RD Congo : Samy Badibanga, le choix de la discrétion

Alors que tout le monde s’attendait à la nomination de Vital Kamerhe, c’est l’homme du Kasaï qui est devenu Premier ministre de la RD Congo.

Samy Badibanga, le 4  septembre 2012 à Paris. © Vincent Fournier/JA

Samy Badibanga, le 4 septembre 2012 à Paris. © Vincent Fournier/JA

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 23 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Samy Badibanga n’a pas immédiatement réagi à sa nomination au poste de Premier ministre le 17 novembre. Comme s’il avait eu besoin de temps pour enfiler ce lourd costume. Comme s’il lui en fallait, aussi, pour rompre avec la discrétion qu’il s’est imposée ces dernières semaines.

Outsider dans la course à la primature, ce député de 54 ans l’a finalement emporté sur le favori, Vital Kamerhe. Les deux hommes avaient accepté de participer au « dialogue » voulu par le chef de l’État, qui s’est conclu le 18 octobre par un « accord » en forme de marché : le report de l’élection présidentielle à avril 2018 contre le choix d’un Premier ministre issu des rangs de l’opposition.

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Flexible

Pendant toute cette séquence, Samy Badibanga est resté en retrait, évitant de faire des vagues. Il est apparu plus flexible que l’ambitieux Kamerhe, lequel saisissait tous les micros tendus par les médias avec une assurance qui a irrité certains caciques de la majorité, tout comme les opposants réfractaires au dialogue. Or la personnalité clivante de Kamerhe ne cadrait plus avec les objectifs du chef de l’État.

Joseph Kabila, dont le dernier mandat constitutionnel arrive à échéance en décembre, souhaite avant tout apaiser les tensions pour passer ce cap sans encombre. « Badibanga est un élu de la capitale, dont on nous dit qu’elle est un obstacle pour nous, confirme Bar­nabé Kikaya bin Karubi, un des conseillers du président. Et il est originaire du Kasaï, dans le centre du pays. Cela permet un rééquilibrage régional puisque son prédécesseur venait de l’est. »

Cette nomination est, surtout, une pierre dans le jardin d’Étienne Tshisekedi, irréductible opposant de 83 ans et lui aussi originaire du Kasaï. Pendant des décennies, Samy Badibanga l’a côtoyé : sous Mobutu, certaines réunions clandestines de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) se tenaient même au domicile familial des Badibanga. Important commerçant, le père du nouveau Premier ministre était muluba (comme Tshisekedi) et très proche des fondateurs du parti.

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Proche de la famille Tshisekedi

Dans les années 2000, Samy devient un des principaux conseillers de Tshisekedi, jusqu’à la rupture de 2012. Arrivé deuxième à la présidentielle selon des résultats officiels très contestés, « le vieux » refuse de reconnaître sa défaite. Il interdit à ses députés élus de siéger. Samy Badibanga s’affranchit de ces consignes pour créer et présider le groupe parlementaire « UDPS et alliés ».

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Dès lors, Tshisekedi refuse de le recevoir. Mais Badibanga reste très proche de la famille de l’opposant, et notamment de son fils, Félix. « Kabila veut nous diviser, mais cela ne changera rien à notre mobilisation, jure ce dernier. Nous avions de toute façon coupé les ponts avec lui depuis sa participation au dialogue. »

Jusqu’à ces dernières semaines, Badibanga avait gardé un discours d’opposant dur : il refusait le maintien au pouvoir de Kabila à la fin de son mandat et s’était même fait photographier en tête du cortège des très violentes manifestations de janvier 2015. Pourtant, ce fils de bonne famille, qui a étudié en Belgique et qui a longtemps vécu entre Bruxelles et Kinshasa avant de devenir consultant pour des groupes miniers, est bien plus un tacticien d’appareil qu’un leader populaire.

Il est l’artisan de la rencontre entre Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi à Paris, en décembre 2015, prélude à leur alliance six mois plus tard. Sa bonne connaissance des arcanes de l’opposition compense, aux yeux du pouvoir, son déficit de notoriété.

Pour mener à bien ses missions – réconcilier le pays et organiser les élections –, le nouveau Premier ministre disposera toutefois de moyens limités : le budget de l’État est en net recul. Et avant son départ, l’équipe sortante a verrouillé les principaux offices de perception des recettes de l’État par des nominations de dernière minute.

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