Kenya : le secteur privé de plus en plus présent dans les camps de réfugiés
Parce que, dans les camps de réfugiés, l’ONU et les ONG ne peuvent pas tout, le secteur privé est de plus en plus appelé à la rescousse. Une véritable aubaine !
Au commencement, un constat : celui de l’insuffisance des ressources des agences de l’ONU face à la multiplication des crises humanitaires. Au Kenya, l’incapacité du Programme alimentaire mondial (PAM) à subvenir aux besoins des centaines de milliers de personnes qui ont, depuis des années, trouvé refuge dans les camps de Dadaab ou de Kakuma illustre à elle seule les limites du modèle économique de l’aide internationale.
Une collaboration des ONG avec les acteurs privés
Il a fallu réduire les coûts, travailler à l’autonomisation des réfugiés et, surtout, déléguer à des opérateurs privés, alléchés par un marché en friche mais prometteur. C’est ainsi qu’à Kakuma le PAM a fait appel au géant kényan de la téléphonie, Safaricom, pour la mise en place d’un service qui remplace une partie des traditionnelles rations alimentaires par des bons électroniques qu’il est possible d’échanger chez certains vendeurs agréés.
À Dadaab, le plus grand camp de réfugiés du monde, Microsoft a lancé un centre de formation aux technologies de l’information en partenariat avec le HCR. Et, pendant la grande sécheresse de 2011, des cartes bancaires prépayées d’Equity Bank et de MasterCard ont été distribuées dans le cadre d’un projet financé par l’Agence britannique de développement international.
Ces projets sont amenés à se généraliser dans les années à venir, et c’est pour faciliter cette collaboration entre agences humanitaires et secteur privé qu’a été créée, au début de 2016, la Humanitarian Private Sector Partnership Platform (HPPP) – une initiative du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) et de l’ONG World Vision, qui compte déjà parmi ses membres Deloitte, MasterCard et Equity Bank. Luluwa Ali, coordonnatrice des partenariats d’Ocha en Afrique de l’Est et en Afrique australe, a d’ailleurs à cœur d’insister sur les « opportunités de marché » qui se profilent, promettant « un environnement [plus] structuré ».
Une autonomisation des réfugiés
Selon James Miller, professeur de sciences politiques à l’université d’Ottawa (Canada), le secteur humanitaire a bien pris conscience de l’intérêt qu’il pouvait y avoir à associer à ses programmes d’urgence traditionnels des initiatives de développement sur le long terme, permettant à des familles entières de « devenir plus autonomes et moins dépendantes de l’aide internationale » tout en fournissant une « opportunité économique pour les régions hôtes ». Kalobeyei, la nouvelle extension du camp de Kakuma qui accueille des réfugiés sud-soudanais chassés de leur pays par la guerre, a ainsi été conçue pour favoriser leur intégration aux populations locales.
D’autant que, contre toute attente, les réfugiés eux-mêmes apparaissent comme de formidables consommateurs : les camps regorgent de cybercafés et de petits commerces spécialisés dans l’alimentation ou l’habillement – des petites entreprises qui espèrent notamment capter les capitaux issus des transferts d’argent et du système de prêt informel. Les retombées pour l’économie locale sont considérables. Selon la Banque mondiale, Kakuma et Dadaab rapportent 1,4 milliard de shillings (environ 12,5 millions d’euros) par an au Kenya grâce aux taxes versées par ces entreprises, au commerce et aux emplois générés.
Ce n’est donc pas un hasard si Equity Bank s’est installée dans la petite ville qui jouxte Kakuma ; elle y revendique 50 000 clients – des réfugiés, mais aussi des Kényans. Safaricom est, quant à elle, bien implantée à Kakuma et à Dadaab, où M-Pesa, son service de transfert d’argent par téléphone mobile, est omniprésent. Plus récemment, le géant Unilever s’est rapproché du HCR pour réfléchir à des moyens de « renforcer les commerces tenus par les réfugiés et les membres de la population hôte ». Selon le représentant du HCR au Kenya, Raouf Mazou, Unilever vend plus de produits par habitant à Kakuma et à Dadaab que dans le reste du pays.
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