Niger : le grand ménage du président Mahamadou Issoufou

Réélu en mars 2016, Mahamadou Issoufou semble avoir les coudées franches pour son second mandat. Gouvernance, sécurité, croissance et, surtout, lutte contre la corruption… Le président nigérien est sur tous les fronts.

Mahamadou Issoufou, président de la République du Niger, à Addis Abeba, le 30 janvier 2017. © ZACHARIAS ABUBEKER/JA

Mahamadou Issoufou, président de la République du Niger, à Addis Abeba, le 30 janvier 2017. © ZACHARIAS ABUBEKER/JA

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Publié le 6 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

Le président Mahamadou Issoufou, en juillet 2015, à Paris. © Sandra Rocha pour JA
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Niger : sur tous les fronts

Malgré une conjoncture économique et sécuritaire difficile, le pays conserve sa stabilité politique et maintient le cap vers le développement. Bilan de la première année du nouveau quinquennat.

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En pleine journée, la rue qui longe le palais présidentiel est fermée à la circulation. Et les taxis, mécontents, n’ont d’autre choix que de contourner la zone ultrasécurisée des ministères.

« Il a peur de quoi notre président ? » se plaint Aliou derrière son volant, pendant que passe, interminable, le cortège présidentiel. Le chef de l’État vient de quitter son palais pour se rendre à l’aéroport, escorté par une longue file de motards qui ouvrent la voie toutes sirènes hurlantes au convoi de 4×4 blindés et autres chars d’assaut.

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Ainsi va la vie dans un pays en guerre. « Les Nigériens sont devenus très professionnels pour assurer la protection de leur président. Sa garde rapprochée est sans doute la plus professionnelle et la plus disciplinée de la sous-région, assure un formateur militaire français. Ils ont compris que sans président il n’y a plus de nation. »

Le Niger dans un étau

Pris en étau sur trois fronts – Boko Haram au sud, Daesh au nord et Aqmi à l’ouest –, le Niger tient bon face aux coups de boutoir du terrorisme sahélien. Mieux, les visiteurs étrangers se sentent plus en sécurité à Niamey qu’à Paris, Londres ou Berlin. Et la capitale, écrasée l’après-midi par la canicule, donne l’impression de vivre au rythme des chameliers qui continuent d’emprunter ses grandes artères.

Le Niger est à l’image de Niamey, un pays en perpétuel devenir

Étrange contraste entre le Niamey moderne et vrombissant des nouvelles rocades, des quatre-voies fraîchement asphaltées et éclairées par des lampadaires solaires, et la bourgade paisible aux allures d’autrefois. Le Niger est à l’image de Niamey, un pays en perpétuel devenir.

Le représentant-résident du FMI à Niamey, Joseph Ntamatungiro, est optimiste : « On nous survend la réussite de certains pays en Afrique, comme celle du Rwanda ou celle du Maroc. Or le Niger, malgré les difficultés sécuritaires et humanitaires, s’en sort bien.

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Lentement, sans faire de bruit, il pose les bases de son avenir et met en ordre son économie, modernise ses infrastructures énergétiques, routières ou médicales, et enregistre des progrès sur le chapitre de la bonne gouvernance. »

Un rebond de l’économie

Selon les chiffres du FMI, après avoir culminé à 7 % en 2014, la croissance économique du Niger est retombée à 3,6 % en 2015 en raison des aléas climatiques et de la chute du prix des matières premières, avant de rebondir en 2016 à 4,6 %. Une tendance qui devrait se poursuivre cette année, puisque l’institution monétaire prévoit une augmentation de 5,2 % pour 2017.

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Les perspectives économiques sont relativement favorables, grâce notamment au développement des industries extractives et à l’augmentation des investissements publics dans l’aménagement agricole et les transports.

Le 2 avril, Niamey a connu un événement important qui symbolisait justement le retour d’un État ambitieux

De Niamey à Diffa en passant par Zinder et Agadez, l’administration centrale refait surface, à coups de grands travaux, pour désenclaver les régions et améliorer le sort des villes secondaires. Avec plus ou moins de succès selon les cas.

Le pont de Niamey (Niger), le 12 septembre 2011 © Sunday Alamba/AP/SIPA

Le pont de Niamey (Niger), le 12 septembre 2011 © Sunday Alamba/AP/SIPA

Le 2 avril, Niamey a connu un événement important qui symbolisait justement le retour d’un État ambitieux. Le président Issoufou, qui avait fait de 2016 l’année de « l’électricité pour tous », n’était pas peu fier d’inaugurer la centrale électrique de Gourou Banda et ses 100 MW, situés à 5 kilomètres de Niamey. Celle-ci doit permettre de résoudre enfin les problèmes de délestage dans la capitale.

Mais les fortes chaleurs et quelques couacs techniques au démarrage ont eu temporairement raison de cet enthousiasme présidentiel. Et, en avril et en mai, les innombrables coupures de courant ont quelque peu exaspéré une population de plus en plus impatiente.

En février, des soupçons de malversations et de pots-de-vin dans la gestion publique de l’uranium ont mis le feu aux poudres ! Les manifestations contre la « mauvaise gouvernance » organisées par la société civile, parfois violentes et souvent « surmédiatisées », se sont succédé dans le centre de Niamey.

« Combattre la corruption, la concussion et le népotisme » est pourtant l’un des vœux du programme présidentiel Renaissance II, portant sur la période 2016-2021.

La traque de la fraude

À peine réélu, le président Issoufou avait lancé l’opération « Mai Boulala » (« frapper le mal à la racine »). L’État a depuis pris des engagements importants en imposant des inspections tous les six mois au niveau des services de l’État, et tous les rapports sont désormais transmis à la justice.

La Haute Autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Halcia), créée en 2011, a les mains libres pour procéder aux arrestations, prendre des mesures de garde à vue, ordonner des perquisitions ou des saisies de biens provenant de la corruption, même lorsqu’ils ont été convertis ou transformés.

Si tout est loin d’être parfait dans ce pays où la corruption est aussi un problème culturellement ancré, la situation s’améliore

La traque des gestionnaires frauduleux est en marche, avec déjà des résultats notoires, notamment dans le secteur de l’Éducation nationale. Après deux mois d’une enquête menée dans cinq régions du pays, la Halcia a découvert que plus de 1 900 emplois d’enseignants contractuels étaient fictifs.

Et si tout est loin d’être parfait dans ce pays où la corruption est aussi un problème culturellement ancré, la situation s’améliore, n’en déplaise à certains. Le Niger est ainsi passé, entre 2011 et 2017, de la 134e à la 101e place du classement de Transparency International de l’indice de perception de la corruption.

Et après avoir annoncé en avril qu’il ne modifierait pas la Constitution pour briguer un troisième mandat, le président Issoufou semble avoir les mains libres pour relever le défi de l’exemplarité de l’État, seule garante de la stabilité de la nation.

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