Investissements : gare à l’afro-optimisme excessif

Associé Senior chez Roland Berger, Nicolas Teisseyre livre une tribune et met en garde contre l’afro-optimisme excessif.

Vue de la gare ferroviaire de la Sitarail à Treichville, Abidjan © Nabil Zorkot

Vue de la gare ferroviaire de la Sitarail à Treichville, Abidjan © Nabil Zorkot

NTeysseire

Publié le 21 juillet 2017 Lecture : 3 minutes.

Ces dernières années, le débat public a eu tendance à présenter l’Afrique comme le relais de croissance à court terme des entreprises mondiales, et notamment françaises. Les opportunités sont bien réelles, mais elles sont à appréhender au regard des spécificités de l’Afrique et des défis qui peuvent freiner son développement économique, en intégrant les facteurs exogènes récents – chute du cours des matières premières, tensions géopolitiques, risques sécuritaires, crises humanitaires…

Ceux-ci rendent peu pertinente l’utilisation d’indicateurs classiques pour évaluer le potentiel de développement du continent. Le développement de l’Afrique est souvent comparé à celui de l’Asie du Sud-Est dans les années 1990, fondé sur l’émergence d’un marché intérieur – des classes moyennes qui consomment – et/ou des bassins d’emploi attractifs pour les entreprises.

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Mais ce modèle ne s’applique que partiellement aux réalités africaines. L’émergence d’une classe moyenne qui travaille et consomme n’est pas aussi rapide qu’anticipé. En effet, entre 1990 et 2010, la tranche de population qui s’est principalement développée est celle ayant un pouvoir d’achat de 2 à 4 dollars par jour, donc limité du point de vue des institutions internationales.

Par ailleurs, cette approche se révèle peu utile aux investisseurs. Là où les marchés sont structurés et l’environnement favorable, les opportunités de croissance sont maintenant limitées. Et ailleurs, il paraît trop compliqué ou risqué d’investir. Une autre conception de la classe moyenne et des indicateurs spécifiques sont nécessaires pour mieux définir le modèle de développement du continent africain et évaluer ses perspectives de croissance.

Ainsi, une classe moyenne constituée d’individus consacrant un minimum de 30 % de leur revenu disponible à des besoins secondaires – comme l’éducation supérieure, la communication, l’accès aux services financiers et aux services de santé – est par exemple plus pertinente pour le continent africain.

En s’éloignant des grilles d’analyse classiques des opportunités de croissance en Afrique, Roland Berger a identifié huit pays à fort potentiel de développement à l’horizon 2030 : le Nigeria, l’Éthiopie, la Tanzanie, le Mozambique, le Kenya, l’Angola, la Côte d’Ivoire et l’Égypte. Une sélection basée sur deux critères : la croissance de la population d’une part et les investissements en infrastructures d’autre part.

Il faut souligner la nécessité d’intégrer les écosystèmes locaux pour favoriser la réussite des stratégies de développement

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Ces indicateurs traduisent le potentiel de développement du pays et sa capacité à offrir un environnement favorable à l’émergence d’autres secteurs et attractif pour les investisseurs étrangers. Les huit pays sélectionnés concentrent 48 % de la croissance totale de la population entre 2010 et 2035 et 50 % des investissements prévus sur le continent pour l’infrastructure publique de base (routes, électricité, accès à l’eau et télécommunications), soit 105 milliards de dollars.

Il faut aussi souligner la nécessité d’intégrer les écosystèmes locaux pour favoriser la réussite des stratégies de développement. Ces pays sont complexes. Impossible de se développer seul sur ces marchés sans partenariat avec des acteurs locaux capables de donner les clés de la réussite (contenu local, ressources humaines pertinentes, relations avec les pouvoirs publics, conception des produits…). C’est ainsi, de mon point de vue, que le développement en Afrique devra être envisagé : sensible aux spécificités sociales et environnementales locales, pragmatique et surtout partenarial.

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Après une décennie 1990 marquée par le fatalisme voire le catastrophisme, les années 2010 font place à « l’afro-optimisme ». Les opportunités existent bien en Afrique, mais pour pouvoir les saisir, il faut se prémunir contre un enthousiasme excessif et être conscient des risques en envisageant le continent dans toute sa complexité et ses nuances.

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