Gabon : que peut espérer Jean Ping ?
Paris, Berlin, Genève, Bruxelles, New York, Addis-Abeba… Jean Ping, 74 ans, ne lâche plus son bâton de pèlerin. Objectif ? Convaincre la communauté internationale de faire pression, sans lui épargner les sanctions, sur Ali Bongo Ondimba, son rival, afin de l’amener à lui céder son fauteuil de président.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 24 juillet 2017 Lecture : 3 minutes.
Dix mois après un scrutin qu’il estime avoir remporté, l’ancien président de la Commission de l’Union africaine (2008-2012) accorde donc des interviews tous azimuts. Dans la capitale française, c’est au Prince de Galles, un palace du 8e arrondissement sis à un jet de pierre de son pied-à-terre parisien, qu’il reçoit les journalistes, une tasse de thé ou un verre de lait chaud à la main. Parmi ces derniers figurent des représentants du Monde, de Libération et de diverses publications parmi lesquelles Jeune Afrique, avec lequel, depuis sa défaite face à Nkosazana Dlamini-Zuma pour la présidence de la Commission de l’UA, en 2012, il entretient des relations passionnelles.
Ping s’était en effet convaincu que nous « roulions » pour la Sud-Africaine. Sur quelles bases ? Mystère. Rebelote en 2016 avec la présidentielle gabonaise. Il en veut notamment à l’auteur de ces lignes, qu’il connaît pourtant bien. Et qui ne retire pas un mot de ce qu’il a pu écrire avant et après ce scrutin catastrophique. Son actuelle boulimie médiatique est fort compréhensible de son point de vue, compte tenu des objectifs qu’il s’est assignés et du combat politique qu’il mène. Mais beaucoup moins du nôtre : notre devise n’est-elle pas « dans JA et nulle part ailleurs » ? Notre collaborateur Mathieu Olivier a donc recueilli ses propos. L’intérêt journalistique de cette interview est évident : il s’agit de comprendre la stratégie de Jean Ping, d’exposer son point de vue et son analyse de la situation gabonaise.
C’est peu de dire qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Et qu’Ali Bongo Ondimba (ABO), son ex-beau-frère, en prend pour son grade ! Ce n’est guère surprenant ? Sans doute, mais à ce point… ABO, déguisé en Rambo, canardant depuis son hélicoptère le QG de campagne de Ping… ABO jouant les maîtres sorciers et empoisonnant André Mba Obame… ABO rêvant de voir sa sœur passer de vie à trépas… ABO en führer équatorial ordonnant l’incendie non du Reichstag mais du Parlement gabonais, puis accusant ses opposants de ce forfait… Dans un entretien au Monde Afrique, le 13 juillet, il va jusqu’à reprocher à son rival d’être « le vecteur de la pénétration jihadiste en Afrique centrale ».
On relève également quelques passages piquants, comme lorsqu’il évoque les chefs de certains États voisins du Gabon qu’ABO aurait « tendance à provoquer », prenant ainsi le risque « de les pousser vers [lui, Jean Ping] ». Cela fait en effet bien longtemps – précisément depuis sa première élection, en 2009 – que le fils d’Omar sait qu’il ne compte pas beaucoup d’amis dans la région… Le passage où Ping étrille, sans les nommer, certains ministres de François Hollande n’est pas mal non plus. Quand on se souvient des peu diplomatiques commentaires adressés à ABO par un Manuel Valls ou un Jean-Marc Ayrault, on a quelque mal à comprendre. Sauf à considérer qu’il ne s’agit là que d’une amusante opération de séduction visant Emmanuel Macron.
Moins drôles et plus déplaisants, les relents chauvins et xénophobes qui parfument son discours quand Ping évoque, au risque d’attiser les haines, les « travailleurs étrangers de la sous-région, béninois, congolais ou togolais », sur les épaules desquels reposerait l’économie de son pays. « Pourquoi n’avons-nous pas formé des Gabonais ? » s’interroge-t‑il. Comme si le problème était là !
Début septembre 2016, au plus fort de la crise postélectorale, dans un éditorial intitulé « Le Gabon pour les nuls », nous avions évoqué le scénario qui nous paraissait le plus probable :
« La crise s’enlise, chacun campe sur ses positions. ABO s’en sort avec la bénédiction du Conseil constitutionnel, qui valide son élection. Il reste au pouvoir, mal élu et plus ou moins contesté, et l’opposition s’essouffle. Comme en RD Congo, où Joseph Kabila, après sa réélection de 2011, très critiquée mais finalement vite oubliée, a pu dormir sur ses deux oreilles et gouverner. »
Nous en sommes là. Comme en RD Congo, aucun problème de fond n’est réglé. Les deux Gabon semblent irréconciliables, et l’on assiste à une véritable guerre d’usure. Les deux camps sont convaincus que le temps joue en leur faveur. Ils ont tort : le Gabon n’en a que trop perdu.
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