UE : quand une rencontre sur le Golfe persique tourne au « Qatar bashing »

Jadis si proche du Qatar, Rachida Dati fraierait-elle avec Abou Dhabi, l’ennemi intime de Doha ? C’est ce que laisse supposer une réunion sur la crise du Golfe, qui s’est déroulé jeudi dernier, sans la présence des Qataris.

Rachida Dati lors de l’élection du nouveau président du Parlement européen à Strasbourg, le 14 juillet 2009. © CHRISTIAN LUTZ/AP/SIPA

Rachida Dati lors de l’élection du nouveau président du Parlement européen à Strasbourg, le 14 juillet 2009. © CHRISTIAN LUTZ/AP/SIPA

Publié le 5 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Sollicitée parmi d’autres, la députée européenne s’est précipitée pour accueillir à bras ouverts, le 1er février dans une salle du Parlement de Bruxelles, un « Dialogue de haut niveau pour la lutte contre le financement du terrorisme dans la région du Golfe » par le Brussels International Center for Research and Human Rights (BIC).

Une problématique essentielle par les temps qui courent. Mais le dialogue de haut niveau s’est révélé tourner à l’opération de « Qatar bashing » au sommet, énième offensive dans la guerre de la communication que se livrent le Qatar et le quartet Emirats arabes unis – Arabie saoudite – Bahreïn – Égypte qui s’est ligué en juin 2017 contre le petit émirat.

Les Qataris financent le terrorisme […] tout le monde le sait

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Dès l’entrée en matière, le directeur du BIC, Ramadan Abou Jazar s’en est pris violemment au Qatar, appelant à la constitution d’une commission de l’Union européenne pour enquêter sur cet État. Un autre intervenant, Ali Rachid Al-Nuaimi s’est aussi lancé dans une philippique contre Doha, arguant que les Qataris « financent le terrorisme ou en tout cas les aident, tout le monde le sait ».

Al-Nuaimi, un proche du pouvoir émirati, préside le Hedayah Center, organisation basée à Abou Dhabi officiellement consacrée au contre-terrorisme mais qui dispense essentiellement une active propagande anti-qatarie. Pour cette opération de lobbying bruxellois, Hedayah était associé au BIC dont l’ADN porte également la marque émiratie.

Le GNRD est mort, vive le BIC

Fondé en février 2017, il est la résurrection d’un autre think-tank au nom ronflant qui a déclaré banqueroute en 2016, le Global Network for Rights and Development (GNRD). Établi en 2008 en Norvège, le GNRD était dirigé par le Palestinien Loai Deeb et financé par des parties émiraties – dont on soupçonne le Palestinien Mahmoud Dahlan, millionnaire également très proche des dirigeants des Émirats arabes unis (EAU), d’être le principal contributeur.

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En 2015, le GNRD est perquisitionné par la police norvégienne dans le cadre d’une enquête sur le blanchiment de 13 millions de dollars. Quelques mois plus tard, le GNRD ferme avant qu’apparaisse le BIC, dirigé par Ramadan Abou Jazar, Belge d’origine palestinienne qui était membre du conseil d’administration du GNRD.

Une atmosphère orageuse

Les observateurs avertis de la crise entre Doha et le Quartet, qui ne s’y étaient pas trompé en voyant l’affiche de l’événement, ont pu s’étonner de voir y figurer deux intervenants réputés équilibrés, Joost Hiltermann de l’International Crisis Group, think-tank de référence, et John Gatt-Rutter, responsable de l’unité antiterroriste du Service européen pour l’action extérieure (SEAE).

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Mais les deux invités semblent s’être eux-mêmes laissé attraper par la noble façade affichée. Prenant la parole, Hiltermann a exprimé le souhait de dépolitiser le débat en cours, quand Gatt-Rutter a rappelé que la question était beaucoup plus complexe que la présentation qui en avait été faite.

L’ambiance houleuse du débat et de la séance questions/réponses qui a suivi expliquent-elles qu’aucun document sur l’événement n’ait été produit sur les sites du BIC et de l’UE ?

Des Qataris aux Émiratis

Quant à Rachida Dati, l’ancienne ministre française de la Justice qui connaît fort bien le Golfe et ses affaires, elle a cherché pour sa part à tenir un discours moins anti-qatari qu’Abou Jazar et Al-Nuaimi. Sans cacher toutefois ses liens avec la fondation émiratie Hedayah, dont le président Al-Nuaimi l’a vivement remerciée pour son invitation. Prise à partie lors du questions/réponses sur l’absence de représentation du parti qatari, elle a précisé « je ne suis pas la puissance invitante ! »

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