Peur sur l’Afrique
Désertification, inondations, crises alimentaires, épidémies le continent subit de plein fouet les effets du réchauffement de la planète. Pourtant la politique de l’autruche reste de mise. Jusqu’à quand ?
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. » Cette formule choc, prononcée par Jacques Chirac le 2 septembre 2002 au Sommet de la Terre à Johannesburg, est restée célèbre. Mais sans effet. Pourtant, les motifs d’inquiétude ne manquent pas. Et parmi eux, le réchauffement climatique occupe une place de choix.
Ironie du sort, l’Afrique, qui n’émet pratiquement pas de gaz à effet de serre, est touchée de plein fouet par le phénomène. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), la température a augmenté en moyenne de 0,7 °C sur le continent en l’espace d’un siècle. La hausse du thermomètre dans certaines sous-régions pourrait être deux fois plus forte qu’ailleurs, les sécheresses risquent de s’y généraliser et le climat d’y devenir de plus en plus imprévisible. Et l’Afrique demeure « le continent le plus vulnérable à ces changements, car le niveau de pauvreté y restreint les possibilités d’adaptation ». Pour en mesurer l’ampleur, il suffit d’observer le lac Tchad (voir pages 24-25), l’un des plus grands de la planète, qui ne couvre plus que le dixième de la surface qu’il avait il y a quarante ans. Idem pour le Kilimandjaro, en passe de voir disparaître à jamais ses neiges que l’on croyait pourtant éternelles. Encore ne s’agit-il là que des signes les plus visibles.
Sur le plan sanitaire, on s’attend à un accroissement de l’impact de certaines maladies dont le paludisme, le choléra et la dysenterie, alors que l’eau potable va devenir de plus en plus rare. Selon les experts, jusqu’à 200 millions de personnes de plus pourraient être confrontés aux famines d’ici à la fin du siècle. Dans certains pays, les récoltes pourraient avoir diminué de 50 % en 2020 et même de 90 % en 2100. La hausse des températures sera de 0,2 °C à 0,5 °C par décennie au cours du siècle, soit un accroissement de plus de 4 degrés d’ici à 2100. Du bassin du Nil à celui de l’Okavango, en passant par celui du Sénégal, les modifications du climat n’épargneront personne. S’il est impossible de prévoir qu’elle sera l’ampleur de ces évolutions, on peut en revanche affirmer avec certitude que le pire est à venir. Selon le WWF, « le changement climatique risque de remettre en cause les améliorations des conditions de vie des Africains ».
Face au caractère inéluctable de ce phénomène, plusieurs mesures s’imposent. Tout d’abord, anticiper autant que possible les effets désastreux des variations climatiques. Pour les experts, les pays africains doivent investir conjointement dans des systèmes météorologiques et partager les informations selon les zones géoclimatiques auxquelles ils appartiennent. De meilleures prévisions permettront d’amortir les effets du réchauffement et de planifier des stratégies pour s’y adapter sur le long terme. Car plus les mesures correctives seront prises tôt, moins elles seront coûteuses. Selon le Giec, la montée du niveau de la mer dans le golfe de Guinée pourrait coûter aux pays côtiers près de 15 % de leur PIB. Alors qu’une mise en uvre anticipée de mesures préventives n’en coûterait que 5 % à 10 %. Mieux vaut donc prévenir que guérir. Et pour faire face aux caprices du ciel, l’Afrique a impérativement besoin d’aide.
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