Le laitier était un kamikaze

Al-Qaïda frappe un camp militaire près de Lakhdaria, en Kabylie. Bilan : au moins dix morts et une quarantaine de blessés graves.

Publié le 16 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Trois mois jour pour jour après les attentats-suicides contre le Palais du gouvernement et la direction régionale de la police judiciaire, le 11 avril à Alger, al-Qaïda au Maghreb islamique, nouvelle appellation du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), récidive. La cible ? Un campement militaire à la périphérie de Lakhdaria, à 70 km à l’est de la capitale, au cur d’une région réputée pour son relief accidenté, ses magnifiques gorges et ses maquis imprenables La ville, qui se nommait Palestro au temps de la colonisation, est située au pied des monts Zbarbar, un massif dont la simple évocation fait froid dans le dos en Algérie. C’est là en effet qu’en février 1992 eu lieu le congrès constitutif des Groupes islamiques armés (GIA), de sinistre mémoire…

Le mode opératoire de l’attaque du 11 juillet rappelle celui des attentats jihadistes en Irak et en Afghanistan. Un camion bourré d’explosifs (plus de 1 tonne, selon les premiers éléments de l’enquête) fonce à toute allure sur une cible Le chauffeur-kamikaze actionne un détonateur, provoquant une énorme explosion entendue à des kilomètres à la ronde…
L’opération de Lakhdaria a fait, outre le terroriste, une dizaine de victimes chez les militaires, plus d’une quarantaine de blessés, qui, pour la plupart, resteront marqués à vie. Quelques heures plus tard, elle a été revendiquée par al-Qaïda, comme celles d’Alger et selon le même procédé : un enregistrement sonore diffusé sur Internet et aussitôt repris par la chaîne qatarie Al-Jazira. Sur un ton martial, la voix annonce triomphalement « l’élimination de plus de soixante-dix membres des troupes d’élite du taghout [tyran, dans le jargon jihadiste] et la destruction de leur casernement ». En fait de troupes d’élite, les dix soldats tués étaient de simples bidasses, libérables le 13 juillet. Mourir à deux jours de la « quille »

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Les terroristes avaient, semble-il, minutieusement préparé leur coup. Ils ont utilisé un camion frigorifique appartenant à un commerçant qui, tous les matins, livrait des produits laitiers au camp militaire. La veille, ledit commerçant avait été capturé par un groupe armé alors qu’il effectuait une livraison entre Lakhdaria et Kadiria, une ville voisine.
Le jour J, le camion frigorifique s’est approché du camp et, comme d’habitude, la sentinelle lui a fait signe de passer. Au volant, un jeune homme de 18 ans qui, au lieu de se diriger vers l’intendance où il était censé livrer du lait et du pain, a foncé vers la place d’armes où avait lieu la cérémonie de lever des couleurs. Les six sections composant le bataillon étaient presque au complet. Quand l’officier de semaine a vu débouler le camion, il a à peine eu le temps de crier « Mounbatihen » (« position couchée »). Trop tard, le kamikaze avait déjà actionné son engin de mort, semant la désolation alentour. Des lambeaux de chair Du sang Des cris et des râles… Mourir à deux jours de la quille…
Les services de sécurité n’ont pourtant pas été surpris. Quelques jours auparavant, la presse indépendante, citant une source policière, avait fait état du retour d’Irak d’un Algérien originaire de Lakhdaria. Un expert en explosifs Sa présence avait été confirmée par une écoute téléphonique. À l’issue de son séjour irakien, l’homme avait rejoint Katibat el-Farouk, une phalange d’al-Qaïda implantée dans les maquis de Zbarbar. Au téléphone, il annonçait à son interlocuteur un prochain « feu d’artifice » à Lakhdaria. Plus inquiétant : il se vantait de disposer de quatre jeunes recrues prêtes au sacrifice suprême pour la gloire d’Allah.
L’Antiterroriste est sur les dents et traque fébrilement les trois aspirants kamikazes et leur chef. Yazid Zerhouni, le ministre de l’Intérieur, n’exclut pas de nouvelles attaques dans les prochains jours et appelle les Algériens à la plus grande vigilance. Près de dix mille policiers sont mobilisés pour « sécuriser » l’événement sportif de l’année : les 9es jeux Africains qui se sont ouverts le 11 juillet, à Alger

Les commanditaires de l’attentat en ont-ils tenu compte ? Peu probable, à en croire un officier, qui estime que le timing et le choix de la cible n’ont aucun rapport avec cette compétition sportive. En revanche, il est tentant d’établir un lien avec la visite de Nicolas Sarkozy à Alger. Al-Qaïda au Maghreb islamique promet régulièrement de s’en prendre à la France. Le 10 juillet, après la conférence de presse du chef de l’État français, l’« émir » Abou Moussab Abdelwadoud a exigé de ce pays des excuses pour son passé colonial.

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