Le Bénin lance un plan de riposte de 74 milliards pour tenter de limiter la crise

74,12 milliards de francs CFA. C’est le montant que le gouvernement béninois a mis sur la table pour tenter de contenir les effets de la crise sanitaire et relancer une économie doublement frappée, en 2020, par le blocus imposé par le puissant voisin nigérian et les conséquences économiques mondiales de la pandémie de coronavirus.

Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’État chargé du Plan et du Développement, lors de la conférence de prsse de présentation du plan de soutien au secteur productif, le 12 juin 2020. © DR / Gouvernement Bénin

Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’État chargé du Plan et du Développement, lors de la conférence de prsse de présentation du plan de soutien au secteur productif, le 12 juin 2020. © DR / Gouvernement Bénin

Fiacre Vidjingninou

Publié le 16 juin 2020 Lecture : 4 minutes.

« Nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance économique en la ramenant à 3,5%, contre les 7,6% initialement retenus pour l’année 2020 », a insisté Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’État chargé du Plan et du Développement, lors de la présentation du « plan de soutien et de riposte au secteur productif » de 74,12 milliards de francs CFA (environ 113 millions d’euros), annoncé jeudi 11 juin.

Un plan qui, selon le ministre, doit « atténuer les effets socioéconomiques de la crise liée au Covid-19 » et « alléger le plus possible les peines de nos concitoyens et des entreprises les plus frappées ».

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La part du lion au secteur formel

Ce sont les entreprises du secteur formel qui bénéficieront de la plus grosse part de l’enveloppe de 74,12 milliards de francs CFA, avec une dotation de 63,38 milliards, dont une partie servira à prendre en charge, sur une période de trois mois, 70% du salaire brut des employés déclarés. La somme sera également consacrée à une série d’exonérations et d’allègements de taxes (TVA, taxes sur les véhicules), à des crédits d’impôts ou encore à la prise en charge des frais de loyers commerciaux, là encore sur une période de trois mois.

Pour les hôtels et agences de voyages, particulièrement touchés par les conséquences économiques de la crise sanitaire, le gouvernement prévoit une prise en charge « intégrale » des factures d’électricité pendant trois mois, pour une somme estimée à 4,1 milliards de francs CFA. « Un acte salutaire exceptionnel », a salué Dine Bouraïma, président du Consortium Touristes par Millions au Bénin (CTM Bénin) et promoteur d’un hôtel à Cotonou, qui évoque « la détresse » du secteur.

Le gouvernement béninois a également abondé un « fonds de bonification » de 30 milliards de francs CFA, qui doit permettre aux entreprises du secteur privé formel d’obtenir des prêts à 0% auprès des banques et institutions de microfinance pour une enveloppe globale de 100 milliards de francs CFA. Sauf que le délai maximal pour le remboursement de ces emprunts – trois ans pour les crédits accordés par les banques et un an pour les systèmes financiers décentralisés – semble court à certains opérateurs économiques. « Personne ne prendra le risque de s’y engager, parce que l’on ne sait pas quand la pandémie va s’arrêter », estime ainsi Albert Chelon, entrepreneur dans l’import-export.

Artisans et petits métiers concernés

En avril, un collectif constitué de représentants du patronat, d’investisseurs privés et de quatre centrales syndicales avait adressé au gouvernement un mémorandum soulignant « les conséquences désastreuses de la pandémie » sur « tous les secteurs économiques », et en particulier ceux du commerce, des transports ou encore de l’hôtellerie et du tourisme. Outre une série de recommandations portant sur l’assouplissement des conditions d’accès aux crédits dans les banques ou l’annulation de pénalités de retard sur les marchés et carnets de commandes avec l’État, le collectif avait plaidé pour que le gouvernement soutienne plus fortement le secteur informel, afin d’« anticiper une explosion sociale ».

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Une alerte qui semble avoir été prise en compte par le gouvernement, qui a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 4,98 milliards de francs CFA destinée aux artisans et aux petits métiers. Environ 55 000 professionnels – coiffeurs, couturiers, soudeurs, menuisiers, petites vendeuses, etc. –, ont été recensés afin de les faire bénéficier de ce dispositif.

« Cette démarche nous a permis d’identifier 69,7% d’informels, soit les deux tiers de l’échantillon, et un tiers de formels. La même démarche a été poursuivie pour l’attribution des subventions », a précisé Véronique Tognifodé, ministre des Affaires sociales et de la Microfinance, qui a détaillé également la répartition des sommes prévues : 2,1 milliards de francs CFA pour les entreprises du secteur formel, 1,6 milliard pour celles de l’informel identifié, et 1,2 milliard pour l’informel non identifié.

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Dans le plan dévoilé lors du conseil des ministres du 10 juin, le gouvernement a également annoncé deux autres subventions. Une dotation de « portée générale » appliquée à tous les citoyens qui vont bénéficier d’une réduction des tarifs de l’électricité et de l’eau à hauteur de 5,76 milliards de francs CFA. Et une « subvention particulière » dont bénéficieront « les pauvres et les extrêmement pauvres ». Pour le moment, alors que le processus de recensement des éventuels bénéficiaires a démarré, aucun montant précis n’a été annoncé.

Un plan diversement apprécié

« Il y a encore trop d’inconnues dans les mesures annoncées : quelles sont les conditions concrètes d’accès aux dotations, notamment pour les artisans ? A quelle échéance les fonds seront-ils débloqués ? », déplore cependant Sidoine Accrombessi, professeur d’économie à l’université d’Abomey-Calavi, qui juge par ailleurs que « faire la part belle aux entreprises formelles, c’est mal connaître la structure de l’économie du pays ».

Une analyse que ne partage pas le Conseil national du patronat (CNP), dont le président par intérim, Eustache Kotingan, saluait vendredi un plan « de grande portée » et « des mesures venant à point nommé pour donner un nouveau souffle aux entreprises ».

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