Abdeslam Ahizoune

De plus en plus concurrencé dans le royaume, l’opérateur historique chérifien se lance à la conquête du marché subsaharien. Déjà présent en Mauritanie, il vient de s’implanter au Burkina et au Gabon. Décryptage des ambitions de l’entreprise.

Publié le 16 juillet 2007 Lecture : 5 minutes.

Jeune Afrique : Le premier semestre 2007 vient de s’achever. À mi-parcours, quel bilan faites-vous de vos activités au Maroc ?
Abdeslam Ahizoune : Les tendances sont globalement positives. Maroc Télécom reste leader sur tous les segments de métier. Notre part de marché sur l’Internet et le téléphone fixe est proche de 100 %. Sur le mobile, elle tourne aux alentours de 70 %, ce qui représente environ 12 millions de clients.

La concurrence s’est accrue en 2007 avec l’arrivée d’un troisième opérateur, Wana. Cela se fait-il au détriment de vos marges ?
Non. Globalement, la marge de Maroc Télécom s’améliore, même si, selon les activités, il peut y avoir des disparités.

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Quand prévoyez-vous la saturation du marché marocain du mobile et comment comptez-vous y faire face ?
Aujourd’hui, le taux de pénétration est de 57 %. Nous pensons qu’il sera d’environ 80 % dans trois ans. Ensuite, nous comptons sur trois moteurs de croissance. L’augmentation de la consommation par client, parce que nous croyons en l’amélioration du pouvoir d’achat au Maroc. Le développement des contenus grâce aux nouvelles technologies : musique, informations, téléachat, réservations de billets de train, d’avion, etc. Tout cela va amener du trafic. Le troisième moteur, c’est la croissance à l’international.

Justement, en décembre dernier, Maroc Télécom a acquis 51 % de l’Office national des télécommunications (Onatel) burkinabè, et en février, 51 % de Gabon Télécom. Votre priorité est-elle l’Afrique subsaharienne ?
D’abord, je tiens à vous dire que 51 %, c’est le minimum que nous souhaitons acquérir où que nous allions. Nous ne sommes pas des financiers, nous ne cherchons pas à prendre des participations à droite et à gauche. Nous voulons exercer notre métier et développer notre savoir-faire. Au Burkina, au Gabon, comme dans d’autres pays subsahariens, les taux de pénétration sont encore faibles. En faisant des efforts sur la qualité et la tarification, on peut rendre le mobile plus accessible. Les opportunités sont importantes.

Dans quel état avez-vous trouvé l’Onatel ?
Lors de sa privatisation, l’Onatel, quoique endetté, était un groupe plutôt sain, mais qui souffrait d’un manque d’investissement. Nous avons trouvé une entreprise avec des ressources humaines compétentes et l’audit s’est révélé conforme à ce qui nous avait été annoncé.

Quelle est votre position sur le mobile burkinabè et quel objectif visez-vous ?
Nous sommes numéro deux, notre part de marché tourne autour de 40 %. Mais nous avons vocation à être premier. C’est l’objectif que Maroc Télécom se fixe partout.

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Comment comptez-vous y parvenir, et quand ?
Le plus vite possible, en augmentant la cadence de l’équipement en infrastructures – ce que nous avons déjà commencé à faire – et en baissant les tarifs.

Dans quel état avez-vous trouvé Gabon Télécom ?
Dans une situation chaotique. L’entreprise est largement déficitaire. Les comptes n’étaient pas certifiés. Les dettes financières s’élevaient, fin 2006, à 70,2 milliards de F CFA, au lieu des 68,8 milliards annoncés, et les dettes fournisseurs à 221 milliards, au lieu de 142 milliards ! Les salaires étaient payés sur découvert bancaire. L’entreprise a été pillée par ses fournisseurs, qui pratiquaient des prix extrêmement élevés, parfois sans prestation en contrepartie. En revanche, nous avons trouvé des ressources humaines compétentes, dans le domaine technique notamment, désireuse de participer au redressement de leur entreprise. Mais en dehors, nous rencontrons des résistances à la privatisation, notamment de la part des anciens dirigeants qui multiplient les manoeuvres pour retarder la transaction.

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Le bruit circule que vous n’avez pas payé cher pour reprendre l’opérateur… Certains reprochent même à l’État gabonais d’avoir bradé l’entreprise nationale.
Vu ce que nous avons trouvé, je peux vous dire que notre offre a été généreuse. Comme les comptes n’étaient pas certifiés avant l’achat, nous nous étions mis d’accord avec la partie gabonaise sur un mécanisme d’ajustement du prix en fonction de ce que nous allions découvrir. Il était prévu que le prix ne dépasse pas 61 millions d’euros. Pour l’instant, nous en avons déboursé 26.

Au vu de la situation que vous avez trouvée, combien pensez-vous devoir encore débourser ?
Nos conseillers juridiques et financiers vont rencontrer la partie gabonaise dans les prochains jours pour se mettre d’accord, et je ne peux vous en dire plus pour l’instant. Notre principal souci aujourd’hui c’est de faire admettre à nos partenaires de faire approuver les comptes par les organes sociaux de l’entreprise. Ils ont déjà été certifiés par les commissaires aux comptes.

Quels sont vos objectifs commerciaux ?
Nous ne disposons pas de données sur les parts de marché de nos concurrents, mais nous savons que Gabon Télécom est loin d’être le premier. Nous mettrons cependant tout en uvre pour le devenir le plus vite possible. Nous avons déjà commencé à baisser les tarifs dans des proportions considérables, de 92 % sur les communications fixes nationales, de 78 % à 89 % sur les communications fixes internationales et de 30 % à 77 % sur l’Internet.

Et sur le mobile ?
Nous n’avons pas encore touché aux tarifs, mais les baisses seront toutefois moins importantes que sur le fixe.

Outre le Maroc, vous êtes maintenant présents dans trois pays d’Afrique : la Mauritanie [depuis 2001, Maroc Télécom détient 54 % de Mauritel, ndlr], le Burkina et le Gabon. Avez-vous d’autres objectifs sur le continent ?
Il n’y a pas d’appel d’offres en cours à notre connaissance, sauf au Niger, où nous avons répondu à un appel à manifestation d’intérêt pour une nouvelle licence. Mais nous sommes attentifs. Je crois savoir qu’une privatisation se prépare au Mali. Elle nous intéresse. Le Ghana, la Guinée équatoriale, le Bénin et le Togo retiennent également notre attention.

Quelles sont les limites de votre implantation africaine ?
Rien n’est exclu, mais nous accordons une grande importance au respect des règles de bonnes gouvernance. Nous cherchons aussi toutes les synergies possibles au sein du groupe comme avec les pays voisins.

L’État vient de mettre en vente 4 % supplémentaires du capital qu’il détient encore dans Maroc Télécom. Qui s’est porté acquéreur et combien l’opération a-t-elle rapporté ?
Ce sont des institutionnels, des banques, des assurances, des fonds de pension, essentiellement marocains. L’opération a rapporté, en tout, quelque 4,5 milliards de DH.

Est-ce une étape vers un désengagement plus important de l’État ?
En 2004, l’État a cédé 16 % du capital de Maroc Télécom à Vivendi et 15 % en Bourse. Il n’en détenait plus que 34 %. Aujourd’hui, la privatisation continue. Ne s’agit-il pas d’une évolution logique dans un pays qui a opté pour une politique économique libérale ?

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