Zongo, contre vents et marées

Un an après sa nomination, le Premier ministre a réussi à imprimer son style à l’action gouvernementale, tout en renforçant la cohésion de son équipe. Mais il reste exposé au choc de la hausse des prix. Et à l’impatience de ses concitoyens.

Publié le 16 juin 2008 Lecture : 5 minutes.

« Faire ce que l’on dit, dire ce que l’on fait et remettre tout le monde au travail. » Un an après sa nomination au poste de Premier ministre le 4 juin 2007, Tertius Zongo a-t-il réussi à imposer, comme il le souhaitait alors, une nouvelle idée de l’action politique fondée sur la transparence et l’efficacité ? Arrivé à la primature au lendemain des élections législatives du 6 mai 2007 qui ont consacré la victoire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir), l’ancien ambassadeur du Burkina aux États-Unis prend ses fonctions en voulant redéployer un « État juste, fort et respecté », là où son prédécesseur, Ernest Paramanga Yonli, avait fini, aux dires de nombreux observateurs, par s’essouffler. Une ambition qui se double aussi d’un nouveau style. « Il faut reconnaître que, jusqu’à présent, ses déclarations ont effectivement débouché sur du concret », estime un diplomate en poste à Ouaga. « Son expérience américaine lui a permis de développer un sens extrême de l’organisation », confie pour sa part le ministre de la Défense, Yéro Boli, qui a déjà travaillé auprès de trois Premiers ministres successifs.
Alors que cet anniversaire a été marqué, le 10 juin, par une conférence de presse nationale – première rencontre du genre, elle est appelée à se répéter chaque année -, le bilan du chef du gouvernement est jugé globalement positif par la classe politique. Certains opposants, à l’instar du président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), Hermann Yaméogo, voient même d’un bon Âil les mesures visant à réprimer les abus et réduire le train de vie de l’État.
Loin de cet unanimisme ambiant, les Burkinabè, quotidiennement confrontés aux réalités de la vie chère, ont, eux, un point de vue plus nuancé. À l’image de Bouda Zoungra, étudiant en informatique à l’Université de Ouagadougou, beaucoup restent inquiets : « Il est trop tôt pour se prononcer. Je constate surtout que les prix continuent de grimper, même si des choses ont été faites pour combattre la fraude et la corruption. »
La lutte contre ces deux fléaux a effectivement dominé l’action de l’équipe gouvernementale arrivée aux affaires l’an dernier. Celle-ci s’est notamment traduite par le licenciement de centaines d’agents après le « nettoyage » du fichier de la fonction publique, la nomination d’un nouveau directeur des Douanes, la stricte utilisation du parc automobile des administrations ou encore l’installation d’une Autorité supérieure de contrôle de l’État. Placée sous la tutelle de la primature, cette nouvelle institution a la possibilité d’auditer, mais aussi de saisir la justice – une prérogative dont ne disposait pas la Haute Autorité de coordination de la lutte contre la corruption (HACLC), organisme auquel elle a succédé.
« C’est insuffisant, juge toutefois l’opposant Bénéwendé Sankara, président de l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (Unir/MS). S’il y a une volonté de la part de Zongo de remettre de l’ordre dans la maison, elle se heurte à un système qui ne peut être réformé du jour au lendemain. Les bonnes intentions de son discours sur la situation de la nation prononcé le 27 mars dernier ont fait long feu. »
Technocrate et homme de dossiers réputé pour son franc-parler, Tertius Zongo n’est pas un politique-né, mais s’accommode sans complexe de sa nouvelle situation. Pour ce natif de Doudou (à 150 km à l’ouest de Ouagadougou) ancré dans le protestantisme, le risque de déplaire et de heurter « les jeux d’intérêt » ne doit pas entrer en ligne de compte lorsqu’il faut trancher. Un principe qu’il a appliqué, par exemple, en décembre dernier, lorsqu’il a pris la décision d’étendre le pouvoir de contrôle de la société Cotecna à toutes les importations d’une valeur minimale de 500 000 F CFA, contre 3 millions auparavant, déclenchant la colère des grands commerçants. « Une poignée d’entre eux a fait preuve d’un certain cynisme, allant jusqu’à attiser les émeutes de la vie chère parce que nous mettions le nez dans leurs petites combines », dénonce le Premier ministre. Mais sans s’affoler, ce dernier a géré la crise qui a embrasé plusieurs villes du pays, suspendant notamment la perception des droits de douane et l’exonération de la TVA sur les importations de produits de première nécessité (riz, sel, huile, etc.).
Reste toutefois à savoir de quelle marge de manÂuvre il dispose désormais pour poursuivre les réformes. Les mesures destinées à lutter contre la hausse du coût de la vie sont en vigueur jusqu’à la mi-juillet, mais elles sont déjà évaluées à « plusieurs dizaines de milliards de francs CFA ». Auxquels s’ajoutent les subventions visant à soutenir des filières stratégiques et la facture que l’État devra acquitter pour soutenir les entreprises publiques fragilisées par la conjoncture internationale, ce qui limite grandement les possibilités d’action gouvernementale. « Nous réduisons les dépenses d’autres postes ou nous annulons des programmes non engagés. Mais soyons francs, nous ne pourrons supporter une telle charge indéfiniment », affirme Zongo avec lucidité.

Séisme politique
Pour lui, la situation est d’autant plus complexe que, malgré une campagne céréalière satisfaisante, les effets de ces chocs exogènes risquent de se faire sentir durablement. Ainsi, la forte baisse de la production de coton l’an dernier a creusé le déficit commercial de 50 milliards de F CFA (76,2 millions d’euros) pour atteindre 294 milliards en 2007. Et, de fait, le repli de la croissance, à 4 % contre 5,2 % prévus initialement pour 2007, pourrait se répéter.
Outre le soutien des bailleurs de fonds, le principal levier du chef du gouvernement réside dans la hausse des recettes fiscales, grâce à « un meilleur rendement des administrations ». En 2007, sous son impulsion, la collecte des impôts et taxes a atteint 620 milliards de F CFA, en hausse de 10 %. Et depuis le début de 2008, l’augmentation est déjà de 20 %.
La question est cependant de savoir si cela permettra de calmer le mécontentement latent de la population. « Les préoccupations de mes compatriotes sont légitimes. C’est pourquoi nous avons besoin de mobiliser toute notre énergie pour franchir les obstacles. » Une « énergie » que le Premier ministre a sans doute voulu préserver en obtenant l’éviction, le 23 mars dernier, de l’ex-ministre d’État en charge de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo, accusé de jouer « trop perso ». Moment fort de la première année à la primature de Zongo, ce limogeage a été qualifié par la presse nationale de séisme politique. Mais il a aussi – et surtout – montré toute la détermination du Premier ministre à appliquer sa politique, quitte à tenir tête à l’un des plus fidèles compagnons du chef de l’État. Et à mettre sa démission dans la balance pour obtenir satisfaction.
En lui réaffirmant sa confiance, le président Blaise Compaoré a, de son côté, fait le choix de la cohésion. Sans doute parce qu’il sait qu’il s’agit d’une condition essentielle à la poursuite des réformes dans un climat actuellement très tendu.

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