Princesses suédoises et gros pactole

Surfant sur le succès phénoménal de « Millénium », de Stieg Larsson, Actes Sud mise sur les polars suédois. Pour le meilleur et pour le pire…

Publié le 16 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

Après Lisbeth Salander de « Millénium », voici Erica Falck, nouvelle « héroïne décalée et irrésistible ». C’est ainsi que les éditions Actes Sud promeuvent le roman de la Suédoise Camilla Läckberg, La Princesse des glaces. Le titre n’est pas sans rappeler celui du dernier tome de la trilogie de Stieg Larsson (La Reine dans le palais des courants d’air).
Depuis six mois, la série occupe le haut des ventes dans toutes les librairies. En Suède, plus de 2,7 millions de lecteurs sur les 9 millions d’habitants du royaume ont été conquis par Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes (prix du meilleur polar scandinave en 2005), La Fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette (2006) et La Reine dans le palais des courants d’air (2007). L’éditeur suédois, Norstedts, a cédé ses droits à trente-quatre pays. Mais seulement douze ont publié la trilogie. Les États-Unis le feront à l’automne. Plus de 6 millions d’exemplaires ont été vendus à ce jour dans le monde (environ 6 000 par jour), dont 1,2 million en France, alors qu’aucun des tomes n’est encore sorti en format poche. Et il est fort à parier que les rebondissements de la succession de l’auteur vont contribuer à la légende « Millénium ».
Car les complots et coups tordus de dernière minute qui pimentent les deux mille pages du best-seller se jouent aussi en dehors du roman. Décédé d’une crise cardiaque en 2004 à l’âge de 50 ans, alors qu’il venait de remettre ses manuscrits à son éditeur, Stieg Larsson n’aura rien connu du succès de son  oeuvre ni touché un centime des droits d’auteur, estimés à ce jour à plus de 8 millions d’euros. Sa compagne Eva Gabrielsson non plus. Le couple n’était pas marié. Journaliste enquêtant sur les groupuscules néonazis suédois, Larsson avait reçu plusieurs menaces de mort et tenait à ne figurer sur aucun registre officiel afin de protéger sa compagne. Son père et son frère ont été désignés héritiers. L’éditeur décide alors de traiter uniquement avec eux. Et Eva Gabrielsson découvrira, par hasard, sur les rayons d’une librairie de Stockholm le livre de celui qui fut son compagnon pendant trente-sept ans. Pis, les héritiers lui font un sordide chantage : elle peut garder l’appartement si elle leur livre l’ordinateur sur lequel le génie du thriller travaillait et avait déjà écrit quelque trois cents pages du quatrième tome. Ce qu’elle refuse.
Dernier rebondissement en date : le 28 mai, la télévision suédoise déterre un testament que Stieg Larsson aurait rédigé en 1977 avant de partir en Éthiopie. « Je veux que mon argent soit versé à la section d’Umea [une ville du nord de la Suède] de la fédération des travailleurs communistes », écrit Larsson. Mais sans témoin, ce qui invalide ledit testament. En attendant, les héritiers contre-attaquent et mettent en cause la santé mentale d’Eva !
Un auteur qui meurt prématurément avant de connaître la gloire, des menaces de mort, une saga familiale doublée d’un feuilleton juridique tous les ingrédients sont réunis pour créer un mythe autour de la trilogie qui se nourrit elle-même d’événements sulfureux (complot, espionnage, trafic de femmes, prostitutionÂ) avec deux personnages fort sympathiques : Mikael Blomkvist, un journaliste d’investigation, séducteur-né, star des médias, pourfendeur des capitalistes et financiers peu scrupuleux, et Lisbeth Salander, mi-punkette mi-gothique, tatouée, « piercée », petite crevette déclarée psychopathe et incontestablement hacker de haute voltige. Elle est sans aucun doute le personnage le plus attachant.
Actes Sud, qui, selon le quotidien français Libération, a vu son chiffre d’affaires augmenter de 6 millions d’euros en 2007, l’a bien compris. Et cherche une nouvelle poule aux Âoeufs d’or : Camilla Läckberg et son héroïne Erica Falck, enquêtrice malgré elle, version Desperate Housewives. Biographe de 35 ans, elle découvre dans une baignoire d’eau gelée le corps de son amie d’enfance. Là encore, une sombre histoire familiale se tapit derrière ce meurtre déguisé en suicide. Sans promotion particulière, la couverture noire au liseré rouge et au médaillon central de la collection Actes Noirs, créée pour « Millénium », suffit à attirer le chaland. Une semaine après sa parution, début mai, La Princesse des glaces entrait au 29e rang du classement des meilleures ventes de Livres Hebdo, avec plus de 13 000 exemplaires vendus sur un tirage initial de 15 000 exemplaires. Et pourtant, on est bien loin du suspense insoutenable de « Millénium »Â

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