Pakistan : investiture de Pervez Musharraf

20 juin 2001

Publié le 16 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

Pervez Musharraf est excédé. Depuis que, le 12 octobre 1999, il a renversé le Premier ministre, Nawaz Sharif, le patron de l’armée pakistanaise est soumis à d’insupportables pressions étrangères. Les institutions financières réclament avec insistance davantage de rigueur dans sa gestion – ce qui ne contribue pas à améliorer sa popularité -, et les capitales occidentales le pressent de rétablir l’ordre constitutionnel. Il est vrai qu’il a sans doute eu la main un peu lourde : non content de déposer le chef du gouvernement, il a dissous le Parlement et interdit les partis politiques ! Mais le dictateur déteste qu’on lui dicte sa conduite. Alors il choisit la fuite en avant en se présentant à l’élection présidentielle. Sans démissionner de l’armée ni renoncer à sa fonction de chef d’état-major. La Constitution le lui interdit ? Qu’importe.
Au préalable, il prend soin d’éliminer de la course ses principaux rivaux. Leader du Parti du peuple pakistanais (PPP), Benazir Bhutto est exilée à Dubaï. Et Nawaz Sharif, chef de la Ligue musulmane du Pakistan (LMP), harcelé pour diverses affaires de corruption. Quant aux islamistes de Mawlana Abdurahmane, ils sont trop divisés pour constituer une menace.

Sa tâche est titanesque. Il lui faut créer une structure politique pour parrainer sa candidature, affermir son contrôle sur l’administration pour éviter toute mauvaise surprise électorale, rassurer les milieux d’affaires, inquiets de la détérioration de la situation économique, contenir les protestations suscitées à l’étranger par les essais nucléaires de 1998, contenir les velléités d’émancipation des talibans afghans, ses protégés, et, bien sûr, gérer les relations plus que compliquées avec le frère ennemi indien. Tout cela demande du temps, et Musharraf n’en a guère. Ne lui a-t-il pas fallu près de dix-huit mois pour organiser un scrutin à peu près « sûr » ?
Le 20 juin 2001, lors de la cérémonie de son investiture en tant que chef de l’État « élu », le général troque, provisoirement, l’uniforme contre une tenue civile. Quinze jours plus tard, il est reçu par une salve de vingt et un coups de canon à New Delhi. L’Inde a mis les petits plats dans les grands, mais l’enthousiasme du Premier ministre, Atal Behari Vajpayee, est vite douché. Musharraf réaffirme en effet son « indéfectible soutien à la juste cause du peuple du Cachemire », territoire que les deux pays se disputent depuis plus d’un demi-siècle. Pourtant alliés traditionnels du Pakistan, les États-Unis ne cachent pas leur inquiétude. « Pervez Mushar­raf mine sérieusement l’ordre démocratique au Pakistan », a commenté, après sa prestation de serment, un porte-parole du département d’État. Bruxelles, Londres et Moscou ne sont guère plus enthousiastes. Mais Musharraf n’en a cure. Les menaces de sanctions brandies par la Maison Blanche n’entament pas ses certitudes.
Trois mois plus tard, le 11 septembre 2001, deux avions s’écrasent sur le World Trade Center, à New York. Face à la menace djihadiste, Pervez Musharraf est à nouveau fréquentable. Mieux, il redevient un allié incontournable des États-Unis. À quelque chose malheur est bon.

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