Marc Ona Essangui
Protection de la forêt gabonaise, redistribution de la manne pétrolière, assainissement et transparence des finances publiques… ce militant multicarte est sur tous les fronts.
Marc Ona Essangui est un agent de substitution. Dans un pays qui désespère de trouver un contrepoids au Parti démocratique gabonais (PDG), le président de l’ONG de défense de l’environnement Brainforest, par ailleurs coordinateur de la coalition Publish What You Pay (« Publiez ce que vous payez », qui milite pour la transparence des revenus pétroliers et miniers), occupe l’espace laissé vacant par une opposition sans leader charismatique ni véritable programme. Au point de s’être imposé comme l’un des contradicteurs les plus crédibles – et les plus redoutés – du gouvernement. D’ailleurs, le 6 juin dernier, les autorités l’ont empêché d’embarquer à destination des États-Unis, où il devait se rendre à l’invitation de l’ONG Revenue Watch Institute.
En septembre 2007, Marc Ona a été reçu par le chef de l’État, Omar Bongo Ondimba, à qui il a pu dire tout le mal qu’il pensait du contrat d’exploitation du gisement de fer de Belinga, situé dans une réserve naturelle du nord-est du pays. Un rôle que le patron de Brainforest assume, mais qu’il reconnaît volontiers jouer par défaut, sans autre ambition que de dénoncer les pratiques nuisibles au développement du Gabon « Mon objectif est simplement de soulever des problèmes de fond, en aucun cas d’accéder à un ministère ou de renverser les institutions. Obtenir un poste pour gagner de l’argent, ce n’est pas mon dada », explique-t-il, renvoyant dos à dos tous les acteurs de l’échiquier politique gabonais.
Poil à gratter redouté à Libreville, Marc Ona, 45 ans, bénéficie d’une certaine notoriété depuis qu’il est monté en première ligne pour promouvoir la bonne gouvernance. Protection de la forêt gabonaise, valorisation du patrimoine naturel national, critique des « dépenses excessives » engagées pour les célébrations du quarantième anniversaire de l’arrivée au pouvoir du président Bongo, appel pour une meilleure redistribution des richesses pétrolières et gazières du golfe de Guinée : il est sur tous les fronts, mettant ses relations au service des causes qu’il défend. En janvier dernier, il a réussi à mobiliser la communauté internationale pour obtenir la levée de la suspension d’une vingtaine d’ONG qui avaient critiqué la gestion de la manne issue de l’exploitation des hydrocarbures gabonais. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ou le Secours catholique sont, notamment, montés au créneau. Un riche carnet d’adresses que Marc Ona s’est constitué au cours de ses dix-huit années de militantismeÂ
Cloué dans un fauteuil roulant depuis l’âge de 6 ans (à cause d’une polio mal soignée), Marc Ona décide, au début des années 1990, d’abandonner ses études de psychologie, qui ne le passionnent guère. Il veut ensuite devenir avocat, mais les locaux qui abritent le département de droit de la faculté de Libreville sont inaccessibles aux handicapés Faute de pouvoir plaider devant les tribunaux, le jeune homme choisit alors une autre façon de défendre les causes auxquelles il croit. Il s’engage dans la vie associative, représentant d’abord les infirmes au Conseil économique et social gabonais. Puis crée, en 1994, l’association Handicap sans frontières, avant d’intégrer le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en tant que consultant du programme Information, éducation, communication (IEC). Depuis, il a fondé, dirigé ou représenté une dizaine d’associations dans son pays, comme Action dignité humaine, Witness, le Collectif national des associations et ONG du Gabon, Brainforest ou encore Publish What You Pay. Avec toujours un seul mot d’ordre : « Fuir les corporatismes au profit des combats citoyens. »
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