Colonisation – Jean-Marc Ayrault : « Il faut que la France reconnaisse les contradictions de son histoire »
Aujourd’hui à la tête de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, l’ancien chef de la diplomatie française revient sur le débat qui fait rage autour du rôle de l’Hexagone dans la traite et la remise en question de ses figures historiques.
Ancien Premier ministre, autrefois maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault préside aujourd’hui la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, voulue par François Hollande. Celui qui a défendu la loi Taubira du 21 mai 2001 reconnaissant la traite et l’esclavage comme des crimes contre l’humanité juge que la France peut aller plus loin dans cette voie et assumer davantage de périodes troubles de son passé.
Jeune Afrique : Dans une tribune récente, vous avez proposé de débaptiser la salle Colbert de l’Assemblée nationale. Pourquoi Colbert ?
Jean-Marc Ayrault : J’ai été élève au lycée Jean-Baptiste-Colbert, à Cholet [France]. Pendant toute ma scolarité, personne ne m’en a parlé. Les programmes scolaires n’évoquaient pas son histoire. Colbert est un grand personnage, mais qui sait qu’on lui avait demandé de mettre en œuvre le Code noir – dans un pays qui avait aboli le servage avec Louis X, dit « le Hutin », en 1351 – afin de pouvoir justifier l’esclavage dans les colonies ?
Le Code noir institutionnalise l’esclavage et l’inscrit dans le droit moderne de la France. Ce n’est pas rien ! Ajoutons que son premier article est antisémite et qu’il précise qu’il faut exclure tous les juifs des colonies ! Je ne préconise pas d’enlever sa statue ni celle des autres figures qui ornent l’Assemblée nationale, mais j’ai interpellé l’institution sur le fait qu’on pouvait trouver un autre nom que le sien pour une salle où l’on crée la loi. Ce nom lui a été donné en 1932 et une aile du ministère de l’Économie et des Finances le porte aussi depuis 1989… Ce n’était pas il y a trois cents ans !
Quelle était votre intention ?
Je souhaite que les institutions parlent de l’histoire dans sa globalité. Si elle ne veulent pas débaptiser, qu’elles donnent au moins une clé d’explication au jeune visiteur qui vient avec sa classe visiter l’Assemblée nationale. Ce dernier a bien le droit, quand il passe devant la statue de Colbert ou qu’il entre dans la salle Colbert, qu’on lui explique que c’était un grand ministre, un grand administrateur, mais qu’on lui doit aussi le Code noir.
Bien s’informer, mieux décider
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