Jean Koulidiati : « Le Burkina Faso peut devenir un hub technologique pour la sous-région »

Jean Koulidiati, ministre du développement de l’Économie numérique et des Postes du Burkina Faso, revient pour « Jeune Afrique » sur l’actualité du secteur télécoms burkinabè et présente la stratégie mise en place par le gouvernement pour faire du pays un « hub technologique » pour la sous-région.

Jean Koulidiati est le ministre du Burkina Faso. © ITU

Jean Koulidiati est le ministre du Burkina Faso. © ITU

Publié le 15 mai 2014 Lecture : 5 minutes.

Jean Koulidiati, ministre du Développement de l’économie numérique du Burkina Faso, pilote la mise en oeuvre du projet « Backbone ». Derrière cette appellation se cache un programme d’installation de 5 740 km de fibre optique couvrant l’ensemble du territoire burkinabè. L’objectif : améliorer la connectivité et les communications dans un pays qui manque cruellement d’infrastructures numériques. 

Jean Koulidiati prévoit également la création d’un « cloud » permettant de mutualiser toutes les ressources numériques gouvernementales ainsi que la construction d’un pôle de croissance technologique de 80 hectares. Il revient pour Jeune Afrique, sur ces projets et l’ambition qui les sous-tend : faire du Burkina Faso un hub technologique pour la sous-région ouest-africaine.

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Propos recueillis par Nadoun Coulibaly et Pierre Mareczko à Ouagadougou.

Jeune Afrique : Les trois opérateurs de téléphonie mobile burkinabè viennent d’être sanctionnés pour non-respect du cahier des charges en matière de qualité des services. Par ailleurs, l’obtention d’une 4e licence pour laquelle l’opérateur vietnamien Viettel était candidat n’a pas aboutie. Que s’est-il passé ?

Jean Koulidiati : En ce qui concerne les sanctions financières prises à l’encontre des opérateurs, je pense qu’il serait plus judicieux de leur proposer un plan de financement pour améliorer le secteur et de les sanctionner sur le non-respect de celui-ci plutôt que sur le non-respect d’un cahier des charges qu’ils ont probablement signé un peu vite. Certains font déjà des efforts en ce sens, à l’instar d’Airtel Afrique qui s’est engagé à investir 50 millions de dollars pour améliorer le réseau.

Pour la 4e licence, le gouvernement avait lancé un appel d’offres international en 2012 avec pour seul candidat Viettel. Après avoir examiné l’offre au niveau technique, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) nous l’a envoyée au ministère. Le gouvernement s’est alors demandé pourquoi un seul opérateur était candidat alors que plusieurs avaient émis l’intention de déposer leurs dossiers. Objectivement, nous pensons que l’environnement des communications électroniques au Burkina n’est pas encore attractif.

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Objectivement, l’environnement des communications électroniques au Burkina n’est pas encore assez attractif.

Comment expliquez-vous ce manque d’attractivité ?

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Tant qu’on n’aura pas amélioré l’environnement, notamment les infrastructures de communications électroniques, on ne s’en sortira pas. C’est pourquoi il est indispensable de construire le Backbone et faire en sorte qu’il soit d’usage équitable pour tous les opérateurs.

Une fois que la ressource est disponible pour tout le monde, chacun pourra s’en servir. De plus, avec l’arrivée prochaine de la TNT (prévue pour le 17 juin 2015, ndlr), celle-ci, une fois reliée au Backbone, permettra de libérer des fréquences qui pourront être utilisées pour autre chose – pour la 4G, par exemple.

Où en sont les travaux du « Backbone ». Quels seront leur durée et leur coût ?

Pour l’instant, ils n’ont pas encore commencé mais le gouvernement a validé le contrat de construction que nous avons signé avec l’entreprise chinoise Huawei Technologies. Il nous reste encore à signer le contrat financier et cela devrait normalement être fait en juillet. Sur 5 740 km de fibre, 307 seront pris en charge par la Banque mondiale et le reste par l’État burkinabè. En tout, nous évaluons le coût des travaux à moins de 120 milliards de F CFA pour une durée de 30 mois.

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L’État sera-t-il propriétaire du Backbone ?

C’est une possibilité mais vous conviendrez avec moi que l’État n’est pas toujours un très bon gestionnaire. La solution sans doute la plus viable serait qu’on partage le capital-investissement entre l’État et des investisseurs privés. Les opérateurs intéressés pourraient ainsi être actionnaires et copropriétaires tout en s’acquittant de certains frais de connexion. L’essentiel reste que les coûts puissent être les plus faibles possible pour les usagers comme vous et moi.

Qu’est-ce que le Backbone va changer, concrètement ?

Beaucoup de choses. Avec 188 points de présence dans tout le pays, le territoire sera presque intégralement couvert. En plus, nous aurons neuf points d’interconnexions au niveau international avec tous les pays qui nous entourent. Le Burkina pourra ainsi être utilisé comme un hub pour les pays qui veulent s’approvisionner en connectivité dans la sous-région. C’est une source potentielle de revenu non négligeable.

Au niveau national, nous allons pouvoir mettre en œuvre notre cyber-stratégie : l’enseignement à distance, la télésanté, télémédecine, le e-banking… Rien de tout cela ne se fera sans ce genre d’infrastructures. Aussi, nous avons prévu 270 km de fibre optique qui serviront à connecter d’office l’ensemble des nouveaux bâtiments publics en construction dans les centres urbains. En terme d’emploi, les simulations effectuées par Huawei prévoient la création d’un minimum de 20 000 emplois par an à partir de la 4e année de réalisation du Backbone.

Parlez-nous du cloud gouvernemental.

On l’appelle « G-Cloud ». Il permettra de stocker et de mutualiser toutes les ressources gouvernementales (logiciels, ressources humaines etc.) sans avoir à passer par l’achat de serveurs toujours plus gros et plus coûteux. Quand on me l’a proposé, j’ai immédiatement accepté car c’est le nec plus ultra en matière informatique. C’est Alcatel-Lucent qui sera chargé de sa mise en place. Sur ce projet au coût estimé à 42 milliards de F CFA, le Burkina Faso peut espérer une remise de l’ordre de 50%, financée par ses partenaires de développement, cela devrait ramener le coût pour le pays à un peu plus de 20 milliards.

Qu’en est-il du projet de technopôle à Ouagadougou ?

Nous souhaiterions en effet réaliser un parc technologique de 80 hectares au sud de Ouagadougou. Pour l’instant, nous venons de passer le marché pour l’étude de faisabilité technico-économique et commerciale. Tous les financements sont déjà pris en compte dans la planification du ministère puisque le gouvernement a eu la bonne idée de mettre en place un fonds de promotion des pôles de croissance (FP-PC) afin de réaliser les investissements de départ tels que l’assainissement.

Le technopôle sera doté d’un hôtel des télécoms qui comprendra un point d’atterrissement virtuel et un point d’échange internet. Il pourra également abriter de grandes entreprises comme Microsoft ou Huawei Technology qui ont déjà émis le souhait de s’y installer.

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