La valse des sorciers blancs
Recrutés à prix d’or, ils sont limogés, parfois sans ménagement, à la moindre contre-performance. En Afrique, la vie des entraîneurs étrangers n’est pas facile tous les jours !
Quelques mois après la 27e Coupe d’Afrique des nations (CAN), le football africain renoue avec ses vieilles – et mauvaises – habitudes. Plusieurs entraîneurs des équipes défaites au Ghana ont été limogés, parfois sans ménagement. À la veille de la première phase des éliminatoires combinées Coupe du monde/CAN 2010, ce remue-ménage est mal venu.
La Tunisie, qui, de 2002 à 2008, a connu une période de stabilité marquée par la conquête du titre continental (2004) et une participation à la phase finale de la Coupe du monde 2006, est de nouveau en proie au doute. Le 14 février, les responsables fédéraux ont décidé de ne pas renouveler le contrat du sélectionneur, le Français Roger Lemerre, à qui ils reprochent la défaite face au Cameroun en quart de finale de la CAN. À Tamale, le onze tunisien, rajeuni, avait pourtant produit un jeu de qualité et laissé espérer un beau parcours lors des éliminatoires du Mondial 2010, avant d’être victime de la fébrilité de son gardien, Hamdi Kasraoui. La vérité est que Lemerre, peu à l’aise avec les médias, a été la cible d’une violente campagne de presse orchestrée par les animateurs d’une chaîne privée, qui ne lui pardonnaient pas ses réticences à céder à tous leurs caprices. Lâché par ses employeurs, Lemerre n’a pu que se résoudre à quitter Tunis.
Sur la liste des candidats à sa succession figurent les Français Jean Tigana, Luis Fernandez et Guy Stéphan, plus le Bosniaque Vahid Halilhodzic. Tous financièrement trop gourmands. Les dirigeants fédéraux tentent alors de débaucher, sans prévenir ses employeurs, Bertrand Marchand, l’entraîneur de l’Étoile sportive du Sahel, champion d’Afrique 2007. Lequel décline poliment.
Ancien sélectionneur de l’équipe de France, Jacques Santini est approché. Nouveau refus : l’ex-entraîneur de l’Olympique lyonnais n’est pas disponible avant le 1er juillet, date à laquelle la Tunisie aura déjà disputé quatre matchs des éliminatoires Coupe du monde/CAN. Dépitée, la FTF se tourne à nouveau vers Marchand, qui n’a plus la cote chez les « Étoilistes » depuis que le club a été éliminé de la Ligue des champions d’Afrique et dépossédé de son titre national sans plus de succès.
Lemerre dirigera encore les Aigles de Carthage face au Burkina (1-2), aux Seychelles (2-0), puis au Burundi, avant de s’envoler, le 22 juin, pour Casablanca, où il prendra les fonctions de sélectionneur des Lions de l’Atlas, en remplacement de son compatriote Henri Michel. Finalement, c’est Humberto Coelho, ancien capitaine du Benfica de Lisbonne et de l’équipe du Portugal, qui hérite de son poste. Nommé sélectionneur du Maroc en 2001, il a été débarqué après la désastreuse performance de son équipe lors de la CAN 2002.
La CAN, justement, la Côte d’Ivoire rêvait de la remporter cette année. Las, elle a lourdement échoué contre l’Égypte en demi-finale. Si elle n’a plus rien gagné depuis six ans, c’est sans doute que Jacques Anouma, le président de la fédération, n’a pas toujours fait les bons choix. Il s’est trompé avec Robert Nouzaret, qui a tout raté en 2003-2004, puis avec Henri Michel, qui est parvenu à qualifier l’équipe pour le Mondial 2006, mais sans gloire.
Au mois de septembre 2007, Uli Stielike est engagé. Il est censé apporter aux Éléphants le « sérieux germanique ». Connaissant mal le football ivoirien, il se prive de joueurs talentueux comme Arsène et Marco Né, Lolo Igor, Gilles Yapi-Yapo ou Abdoulaye Djiré « Junior ». Réquisitionné pour assurer l’intérim de l’Allemand lors de Ghana 2008, Gérard Gili hérite d’une sélection bancale et commet l’erreur d’aligner un Didier Drogba en méforme. On connaît la suite Le 26 mars, une défaite en match amical face à la Tunisie (0-2) scella le sort de Stielike : son contrat n’est pas prolongé.
Anouma sollicite alors Tigana. Trop cher, trop exigeant Le 13 mai, à Abidjan, le président de la FIF engage le Bosniaque Vahid Halilhodzic, réputé pour son autoritarisme et ses coups de gueule. Ancien entraîneur de Lille, de Rennes, du PSG et du Raja de Casablanca, « Coach Vahid » entend inculquer aux Éléphants la « culture de la gagne ». Les dompter, en somme. Ses méthodes musclées seront-elles du goût des artistes ivoiriens ?
Après Stielike, un autre Allemand d’Afrique, Berti Vogts, fait à son tour ses valises. Rendu responsable de la défaite des Super Eagles nigérians face au Ghana en quart de finale de la 27e CAN, l’ancien international se rend vite compte qu’il est devenu indésirable. Le 20 février, il quitte ses fonctions et réclame le paiement de son salaire jusqu’à l’expiration de son contrat, en 2010. Deux mois plus tard, la Nigerian Football Association (NFA) rappelle un homme du cru, Shaibu Amadu, qui dirigea les Super Eagles de 1996 à 2002. Sa nouvelle mission : qualifier l’équipe pour le Mondial et la CAN 2010. Son premier adversaire : l’Afrique du Sud.
L’élimination des Bafana Bafana dès le premier tour de la dernière CAN suscite de vives inquiétudes dans le pays organisateur de la Coupe de monde 2010. Très préoccupé, Makhenkesi Stofile, le ministre des Sports, émet l’idée de prendre en charge une cinquantaine de joueurs appelés à ne disputer que des rencontres amicales jusqu’au début de la World Cup. Réaction courtoise, mais ferme, du coach brésilien Carlos Alberto Parreira : « Les politiques n’ont pas à intervenir dans mon travail. » Sauf que ces derniers lui versent, depuis octobre 2006, un salaire mensuel de 227 000 dollars !
Le 20 avril, Parreira annonce sa démission pour « raisons familiales ». Avant de rejoindre Rio de Janeiro, il transmet le témoin à son compatriote Joel Santana. « Je vais vous montrer que je saurai être à la hauteur », promet, dès son arrivée, le 18 mai à Johannesburg, l’ex-entraîneur du mythique club de Flamengo. Et d’avouer, hors micro, qu’il gagnera en trente mois en Afrique du Sud plus qu’en trente ans de carrière au Brésil ! « Papai Joel » est le quinzième entraîneur des Bafana Bafana depuis 1992Â
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