Excuses

Publié le 16 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

Ce sont deux localités ordinaires du Maghreb profond, loin des capitales et des caméras : Bouira et Sidi Ifni. La première est un gros chef-lieu de wilaya à 120 kilomètres à l’est d’Alger, la seconde un petit port de pêche, à 770 kilomètres au sud de Rabat. L’une et l’autre pourtant ont servi de cadre, en ce mois de juin, à des dérapages médiatiques révélateurs de l’avis de gros temps qui souffle sur le petit monde maghrébin de l’information. Commençons par le plus simple – si ce n’est le plus grave : Bouira. Si l’on en croit une dépêche de l’agence Reuters, un attentat aurait dévasté le 9 juin la gare de cette cité commerçante, faisant vingt morts. Or, vérification faite, il n’en est rien. Pas même une bombinette. La veille, à Beni Amrane, un vrai attentat avait eu lieu, mais il avait tué deux personnes et non treize comme indiqué par l’AFP. Colère des autorités algériennes, retraits d’accréditations des journalistes concernés. Sale histoire.

Sidi Ifni, 6 juin. Un conflit qui dégénère sur fond de chômage endémique. Port bloqué, intervention musclée de la police, qui poursuit les émeutiers jusque dans leurs maisons. Lacrymogènes et matraques contre cocktails Molotov. Bavures, blessés de part et d’autre, interpellations. Scènes ordinaires, hélas, de la violence sociale en ces temps de flambée des prix et de travail rare. Le lendemain, la chaîne Al-Jazira livre son propre bilan de la répression, sur la foi d’un décompte effectué par une ONG proche des islamistes : entre six et dix manifestants tués, des viols, des exactions. Le problème est que, sommés de donner les identités des morts présumés et des victimes de viols, Al-Jazira et l’ONG s’en avèrent incapables pour une raison simple. Il n’y en a pas. Pis : la chaîne refuse tout net de s’excuser. Là encore, les autorités réagissent : retraits d’accréditations et poursuites en justice.
On peut certes estimer regrettable le traitement policier et judiciaire réservé par les gouvernements à ce type d’affaire. Après tout, s’il arrive aux journalistes de se tromper, et donc de tromper, ils n’arriveront jamais dans cet exercice à la cheville des politiciens. Mais se croire autorisé à jouer avec le nombre des victimes en étant assuré d’être cru sur parole par une opinion habituée à prendre les démentis officiels pour des confirmations, sous le prétexte pervers que c’est au pouvoir de démontrer son innocence, voilà qui est difficilement admissible. À J.A., lorsque nous nous sommes trompés – ce qui, inévitablement, survient parfois – nous nous en excusons publiquement. Il n’y a pas d’autre moyen pour être crédibleÂ

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