Du symbole au paradoxe
« Si le sénateur Obama nous le demande, nous sommes prêts à arrêter toute attaque contre les installations des multinationales du pétrole au Nigeria. » Cet extrait d’un communiqué du Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger (MEND) publié par le Guardian, un quotidien de Lagos, laisse les observateurs perplexes. Venant d’un mouvement de guérilla très dur, cette forme d’allégeance témoigne de la popularité et des attentes suscitées en Afrique par la personnalité du candidat démocrate à la Maison Blanche.
Le fait qu’un Noir soit en position d’accéder au bureau ovale, cette pièce où se fait l’Histoire, revêt, en Afrique plus encore qu’ailleurs, une dimension symbolique considérable. Pourtant, dans les discours de Barack Obama, l’Afrique n’occupe pas une plus grande place que dans ceux de ses adversaires. Le sénateur appelle de temps à autre à endiguer la corruption, plaide pour un renforcement de la démocratie et les droits de l’homme. Et c’est à peu près tout. Rien n’augure, s’il venait à être élu, un changement radical de la politique africaine des États-Unis. Comme le rappelait récemment le président sénégalais Abdoulaye Wade, « un Américain, fût-il noir, c’est d’abord un Américain ». Mais qu’importe ! Ce continent en quête de repères lui sait gré d’exister. Tout simplement.
Pour la jeunesse de l’Afrique postcoloniale, de Freetown à Kigali, l’irrésistible ascension d’Obama, fils d’un Kényan de l’ethnie luo, est la preuve de l’ineptie de la théorie racialiste chère au comte de Gobineau. Plus jamais les Africains ne regarderont l’Amérique de la même manière. La théorie du complot occidental visant à asservir l’homme noir et à exploiter les richesses du continent ne tient plus. Et l’argument du néocolonialisme invoqué par les dirigeants africains pour expliquer leurs échecs économiques ne manquera pas d’apparaître à l’avenir de plus en plus fallacieux.
Évoquant le sort fait à Raila Odinga, le candidat malheureux à la dernière présidentielle kényane, un éditorialiste nigérian relevait récemment ce paradoxe qu’il est désormais « plus facile pour un Luo [l’ethnie d’Odinga] d’accéder à la présidence des États-Unis qu’à celle du Kenya ». Tout est dit.
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