Césaire, grand par lui-même

Publié le 16 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

– Aimé Césaire, qui s’est éteint il y a deux mois déjà [le 17 avril 2008, NDLR], était tout simplement et tout pleinement homme. Tout simplement et tout pleinement nègre. Nègre de Martinique, d’Afrique et du monde. Homme universel en vérité, mais singulier dans sa sincérité, dans son engagement et dans son expression.
Authentique, il n’avait besoin de rien pour être reconnu. Ni académicien, ni Prix Nobel, il était grand par lui-même et je l’aimais ainsi, sans parures, sans artifices, nègre fondamental.
Je veux me souvenir de sa voix puissante au Congrès des écrivains du monde noir à Paris en 1956, je veux me souvenir de sa voix puissante clamant notre revendication collective de révoltés humains sans haine de personne : « Laissez entrer les peuples noirs sur la grande scène de l’Histoire. »
Césaire cependant n’était nullement complaisant à l’égard de nos frasques de nègres dévoyés ou inconscients. « Il est temps de mettre à la raison ces nègres qui croient que la révolution, ça consiste à chasser le Blanc et en lieu et place – je veux dire sur le dos du nègre – à faire le Blanc », disait-il.
Je veux me souvenir aussi du dernier regard affectueux et d’une évocation toute personnelle : « Mon grand-père avait votre visage et vos yeux » Cela m’était dit quand, naturellement et spontanément après une difficile mission de paix en Côte d’Ivoire, je décidai en février 2005 de me trouver un espace et un temps de répit, de réflexion en ciel de culture et de sérénité authentique. Je trouvai refuge auprès d’Aimé Césaire à Fort-de-France. Quel bonheur partagé ! Quelle lucidité du patriarche vêtu d’autorité candide, qui prend les autres en charge pour les faire grandir ! Je suis reparti, les yeux embués certes, mais le cÂur encore plus intrépide pour la dernière étape.
Je veux, enfin, lui redire les vers de Victor Hugo à Théophile Gautier et dont lui, Césaire, se souvenait avec tendresse :
« Je te salue au seuil sévère du tombeau / Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau / Tu vas sentir le vent sinistre de la cime / Et l’éblouissement du prodige éternel / Monte ! Esprit ! Grandis ! Plane, Ouvre tes ailes, Va ! »
Adieu Césaire, le plus grand d’entre nous !

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