La banane africaine menacée par un champignon venu d’Asie
Un champignon pathogène venu d’Asie du Sud-Est vient d’être détecté sur le continent. De quoi inquiéter les professionnels, même si on ne constate pour le moment aucune répercussion sur les prix.
Toute la filière africaine de production et de commercialisation de la banane est inquiète. En avril, des cultivateurs mozambicains ont signalé que près de 100 000 hectares de plantations avaient été décimés par un champignon foudroyant répondant au nom barbare de « Fusarium oxysporum f.sp. cubense ». Élégamment appelée la maladie de Panama ou la jaunisse fusarienne, cette affection, qui fait des ravages en Asie du Sud-Est depuis deux décennies, est l’une des plus destructrices pour la banane. Elle frappe les arbres et diminue la production, même si les fruits restent comestibles.
État d’urgence
Depuis sa première intrusion en Afrique, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tente de circonscrire son développement. D’après Fazil Dusunceli, phytopathologiste au sein de cette institution, l’inquiétude est d’autant plus grande que, lorsque ce champignon se propage dans le sol, il peut y survivre pendant des décennies. Les techniques et les fongicides actuellement disponibles ne permettent pas de le contrôler.
L’état d’urgence semble donc planer sur la banane africaine. On craint notamment d’éventuelles répercussions sur les exportations, d’autant que la variété destinée à cet usage, la Cavendish, cultivée en Afrique de l’Ouest, est également la plus vulnérable à la fusariose. Mais certains scientifiques relativisent. D’après Thierry Lescot, agronome au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et spécialiste de ce fruit, « le fait que cette maladie soit arrivée en Afrique ne signifie pas qu’elle va toucher demain les pays qui approvisionnent l’Europe ».
Plantains
Évaluée à plus de 32 millions de tonnes en 2012, la production subsaharienne pèse un quart du total mondial (128 millions de tonnes) toutes variétés confondues – douces, plantains, à cuire. L’Afrique du Nord récolte quant à elle à peine plus de 1,3 million de tonnes de bananes par an, essentiellement en Égypte. Mais le continent ne produit que 5 millions de tonnes de Cavendish. De plus, il ne compte que trois pays exportant vers l’Europe : la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Ghana, qui y expédient chaque année près de 680 000 t, soit environ 2 % de la production africaine.
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Ardeurs
Pour l’instant, l’arrivée de la maladie de Panama sur le continent n’a eu aucune conséquence commerciale : en avril, les cours sont restés stables, à 0,75 euro le kilo importé en France.
Mais les inquiétudes qu’elle suscite pourraient refroidir les ardeurs de certains gouvernements jusqu’ici désireux de développer la filière. La Côte d’Ivoire, première exportatrice africaine, a ainsi dévoilé en début d’année un projet de création de plantations dans le Nord, évalué à 4,9 milliards de F CFA (7,5 millions d’euros) et qui permettrait de produire environ 21 000 t supplémentaires de banane douce. La filière représente 2 % du PIB du pays et emploie entre 8 000 et 10 000 personnes, selon les chiffres officiels. Elle génère, conjointement avec l’ananas, un chiffre d’affaires annuel de 145 milliards de F CFA.
Alimentation
Mais d’après les experts, le problème pour l’Afrique se pose davantage en termes alimentaires. Notamment dans les principaux pays producteurs, en tête desquels on trouve l’Ouganda et le Rwanda : les agriculteurs y dépendent de la banane à la fois pour leur alimentation et pour leurs revenus.
Or si la maladie de Panama semble affecter en premier lieu les Cavendish, des études sont en cours pour déterminer dans quelle mesure elle peut toucher les autres types de bananiers. Les scientifiques, dont les chercheurs du Cirad, cherchent en outre à développer des variétés résistantes grâce à l’amélioration génétique conventionnelle. En attendant, la FAO annonce l’organisation prochaine de réunions au Kenya, en Afrique du Sud et à Trinité-et-Tobago pour élaborer des plans d’action face à cette crise.
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