Comment ils se préparent
Dans le camp de Gbagbo comme dans ceux de l’ex-président Bédié et de l’ancien Premier ministre Ouattara, les troupes des trois principaux candidats sont en ordre de bataille.
A cinq mois du scrutin, la campagne est lancée. Laurent Gbagbo n’a pas encore annoncé sa candidature, mais tout le monde sait qu’il ira à la bataille. « Votez pour mon mari », proclame déjà Simone Gbagbo dans tous les meetings qu’elle anime. « Tous les Ivoiriens savent que le président est un garçon, comme on dit chez nous. Il est brave et intrépide, et c’est pour ça qu’il gagnera », affirme Martin Sokoury Bohoui, responsable des élections au FPI (Front populaire ivoirien). Dans le camp présidentiel, les rôles sont bien répartis. La première dame sillonne le centre du pays, le président de l’Assemblée, Mamadou Koulibaly, se concentre sur le Sud, et le président du FPI, Pascal Afi Nguessan, laboure le Nord. Le président-candidat dispose de deux atouts majeurs : des moyens financiers exceptionnels et une forte visibilité. Tous les soirs ou presque, la télévision d’État relate les tournées du chef de l’État et de ses fidèles. Les candidats de l’opposition, eux, n’ont droit qu’à une ou deux minutes d’antenne, et seulement de temps en temps.
Dans l’opposition, c’est le camp d’Henri Konan Bédié qui est le plus mobilisé. Dès le mois d’avril, l’ancien président a tenu meeting dans l’ouest, à Soubré. Le mois prochain, il doit arpenter Bouaké et sa région, dans le centre. « Avant la guerre, c’était l’un de nos fiefs, confie un proche. Mais avec tous les déplacements de population et toutes les distributions d’argent, on ne sait plus très bien où sont les bastions des uns et des autres. Mieux vaut ne pas s’endormir sur ses lauriers. »
Sur le terrain
À la direction de campagne du candidat Bédié, le docteur Djé Djé Mady reconnaît que son champion n’a pas autant d’argent que Laurent Gbagbo. Mais il compte sur les nombreux amis de l’ex-président et sur l’ardeur des militants. Il évoque volontiers cette scène de l’Évangile où une pauvre veuve vient déposer deux piécettes dans un des troncs du temple de Jérusalem. Il rappelle que Jésus dit alors : « Cette femme a donné bien plus que les riches, car elle a pris sur son nécessaire. » Commentaire du docteur : « La vraie richesse, ce sont les hommes. »
En fait, des trois principaux candidats, le plus discret reste Alassane Ouattara. Pas de meeting, pas de tournée en vue L’ancien Premier ministre fait profil bas, comme s’il voulait endormir la méfiance de ses adversaires. Mais dans le même temps, il met son parti en ordre de bataille. Comme prévu, il a confié la direction de sa campagne au maire de Korhogo, Amadou Gon Coulibaly. Tout est sur les rails. « Pour la mobilisation des ressources, il faut faire preuve d’imagination », lâche Gon Coulibaly. « Quant aux sondages, il est trop tôt pour en parler », dit-il, énigmatique. Pour l’instant, le candidat Ouattara ne se montre pas, mais demande à ses lieutenants de descendre sur le terrain. À Adiaké, dans le sud-est du pays, Henriette Diabaté a prophétisé : « Rien n’arrêtera la marche victorieuse d’Ado [Alassane Dramane Ouattara]. »
La campagne est bien lancée, mais l’incertitude plane sur l’issue du scrutin du 30 novembre prochain. « En décembre dernier, après sa tournée dans le nord du pays, Laurent Gbagbo était très confiant dans ses chances de gagner. Mais depuis la percée de Morgan Tsvangirai au Zimbabwe, il se demande si celui qui organise une élection ne peut pas quelquefois la perdre, remarque un observateur à Abidjan. D’autant qu’une bonne partie du processus électoral est verrouillée par l’Onuci et la société française Sagem. »
Opération « inondation »
Du coup, dans l’opposition, certains redoutent un mauvais coup de la part du régime. Officiellement, la distribution des cartes d’électeur doit débuter le 1er juillet et durer quarante-cinq jours, mais le doute est de mise. Les uns se demandent si le pouvoir ne va pas tirer prétexte d’un manque de moyens ou d’une mésentente entre Sagem et l’Institut national de la statistique pour retarder l’opération. Les autres craignent que de jeunes partisans de Laurent Gbagbo n’empêchent les gens de retirer leurs cartes dans certaines régions sensibles.
Aujourd’hui, l’heure est à la mobilisation des Ivoiriens pour que, le mois prochain, ils aillent chercher leurs cartes d’électeur dans les futurs lieux de vote. « Il y a des illettrés qui risquent de ne pas s’inscrire sur les listes », prévient Martin Sokoury Bohoui, du FPI. « Alors nous allons passer dans tous les villages pour les sensibiliser. Chez nous, ça s’appelle l’opération Inondation. »
Dans l’opposition, le mot d’ordre est le même. « Il n’y a pas un centimètre carré du territoire où le PDCI [Parti démocratique de Côte d’Ivoire] n’ait pas un responsable », lance Alphonse Djé Djé Mady. « Si vous aimez Ado, faites vos pièces d’identité », lâche Henriette Diabaté aux sympathisants du RDR (Rassemblement des républicains). Reste à savoir si le calendrier sera tenu.
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