Une lueur d’espoir

L’appel au dialogue lancé par le nouveau chef du gouvernement algérien, Ahmed Ouyahia, et la libération des principaux leaders du mouvement des archs pourraient être les signes avant-coureurs d’une sortie de crise.

Publié le 17 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Poursuivis pour avoir empêché par des moyens illégaux la tenue des élections locales du 10 octobre 2002, les principaux animateurs du mouvement des archs, comités de villages et de tribus qui dirigent la protestation en Kabylie, détenus dans les maisons d’arrêt de Tizi-Ouzou, de Béjaïa et de Bouira, ont été libérés le 10 juin, à la veille du deuxième anniversaire de la rédaction de la plate-forme d’el-Kseur, portant les quinze revendications du mouvement.
Cet élargissement intervient une semaine après l’appel au dialogue lancé (en tamazight, s’il vous plaît !) par le nouveau chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, du haut de la tribune de l’Assemblée populaire nationale (APN, Chambre basse du Parlement) lors de la présentation de son programme de politique générale (voir J.A.I. n° 2213). Perspectives de règlement d’une crise qui dure depuis plus de deux ans ? Sans doute, car la Kabylie vit un véritable cauchemar. Prise dans l’étau entre un pouvoir qui ne veut rien céder et des archs qui ont fait de la surenchère politique une constante, la population de cette région centrale de l’Algérie est fatiguée par une situation qui la singularise par rapport à celles des autres régions. Des investissements publics et privés qui marquent le pas, une administration qui fonctionne au ralenti après les assauts répétés des contestataires contre les symboles de l’État, une représentation politique tronquée avec une soixantaine de communes sans élus locaux et une dizaine de circonscriptions sans député, et ce à cause du boycottage actif des élections par les archs.
Présenté à Bruxelles, le 10 juin, par Robert Malley, ancien conseiller de Bill Clinton et directeur du département Mena (Middle East and North Africa) de l’International Crisis Group (ICG), un rapport intitulé « Agitation et impasse en Kabylie » renvoie dos à dos les protagonistes de la crise. Selon le rapporteur, le pouvoir, miné par des dissensions internes et par des forces hostiles au changement, a failli dans sa gestion de la crise. Quant aux archs, leur incapacité à s’étendre en dehors de la Kabylie est due, selon Robert Malley, à leur « radicalisme intransigeant et irréaliste ». Calqué sur un modèle traditionnel « d’une manière qui a gravement entravé ses efforts pour exprimer les aspirations modernistes de la population », le mouvement s’est fermé aux femmes, a exclu de ses rangs toute voix discordante appelant à la retenue. Il a fini par « s’aliéner la sympathie du public ».
L’invitation au dialogue lancée par Ahmed Ouyahia est présentée par l’ICG comme une avancée significative pour sortir de l’impasse, mais « ce progrès encourageant » pourrait être insuffisant, car « il en faudra davantage pour résoudre ce qui est un problème d’envergure nationale ».
Le Premier ministre a-t-il les moyens de le résoudre ? Kabyle, originaire de la région de Tizi-Ouzou, Ahmed Ouyahia est rompu à ce genre d’exercice. C’est lui qui avait contribué à désamorcer « la grève du cartable » en 1994, pour l’introduction de l’enseignement du tamazight dans les programmes scolaires. Il était alors directeur de cabinet du président Liamine Zéroual. À ce titre, il lui avait fait dire, lors d’un discours, que « les Algériens sont des Imazighen [pluriel d’Amazigh] arabisés par l’islam ». C’est encore lui qui avait négocié avec les grévistes et les parents d’élèves, sauvant in extremis les écoliers, lycéens et universitaires de la région du spectre de l’année blanche.
Outre l’intransigeance des archs, Ahmed Ouyahia devra faire avec une autre difficulté : le séisme du 21 mai a touché une partie de la Kabylie. Le chef du gouvernement compte bien transformer cette difficulté en atout par une prise en charge efficace des sinistrés de manière à redorer l’image du pouvoir dans la région.

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