Ratonnades britanniques

Plusieurs soldats de Sa Majesté se seraient rendus coupables d’agressions sexuelles et d’actes de torture sur des prisonniers de guerre.

Publié le 17 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

«Votre conduite durant cette guerre a été exemplaire », lançait, le 29 mai, Tony Blair aux troupes de Sa Majesté, stationnés à Bassorah. Le lendemain de la visite du Premier ministre, le tabloïd anglais Sun révélait que la police militaire britannique avait mis aux arrêts un soldat ayant combattu en Irak. Information confirmée par le ministère de la Défense le jour même. Gary Bartlam, 18 ans, de Dordon, dans le Warwickshire, servait au sein de la prestigieuse 7e brigade, les Rats du désert. À son retour, il avait déposé une pellicule photo dans un laboratoire pour la faire développer. Durant l’opération, l’employée remarque des clichés peu ragoûtants, ceux de Bartlam. Sur l’un d’eux, on voit un prisonnier de guerre irakien bâillonné, le corps pris dans un filet, suspendu aux fourches d’un chariot élévateur. D’autres photos montrent des soldats irakiens nus, allongés sur le sol ou à genoux la tête entre les jambes de soldats de Sa Majesté.
Le ministère britannique de la Défense a annoncé l’ouverture d’une enquête et l’audition des hommes de la 7e brigade, basée aujourd’hui en Allemagne, mais aussi des troupes stationnées à l’heure actuelle en Irak (à Bassorah et à Oum Qasr).
La nouvelle a provoqué un choc en Grande-Bretagne. D’autant qu’une autre affaire de violation des droits de l’homme en Irak impliquant le Royaume-Uni venait de défrayer la chronique. Commandant du 1er bataillon du Royal Irish Regiment, le colonel Tim Collins aurait menacé des civils avec une arme et frappé des prisonniers. Il a été dénoncé par un major américain, Re Biastre. L’officier anglais, ancien membre des SAS, nie tout en bloc. Une enquête a été ouverte. Biastre était chargé, sous la responsabilité du colonel Collins, de la surveillance des réserves de pétrole situées à Bassorah. Les deux hommes ont eu plusieurs altercations durant le conflit. La dernière a abouti au limogeage de Biastre. Le major américain a-t-il voulu se venger en accusant Collins ? Ses allégations sont-elles fondées ?
Biastre, avant le conflit, enseignait dans une école en Louisiane. Ses collègues le décrivent comme quelqu’un « d’honnête, de très sociable ». Collins, lui aussi, bénéficie d’une bonne image : sa harangue aux troupes britanniques, juste avant le départ en Irak, a été diffusée à la télévision et saluée par le prince Charles et le président Bush. « Soyez féroces dans la bataille », a-t-il martelé. Mais le 1er bataillon, contrairement à son commandant, a mauvaise réputation : un soldat de cette unité a été emprisonné en 2001 après avoir essayé de violer un de ses camarades.
Avant le conflit, certains officiers n’hésitaient pas à qualifier l’armée britannique d’« armée la plus honnête du monde ». Aujourd’hui, son image est passablement écornée. Un expert militaire se veut rassurant : « Dans la bataille, les hommes ont peur, ils ne savent plus ce qu’ils font. » Pour Paul Keetch, député du parti libéral démocrate chargé des questions de défense, « il y a toujours des risques de dérapages dans chaque camp ». Discours de façade. En privé, un officier a révélé que la force a été employée pour faire parler des prisonniers irakiens.
« Nous recevons chaque année beaucoup de plaintes émanant de soldats qui ont été battus ou abusés. Ce qui a lieu dans les casernes peut très bien se reproduire sur le champ de bataille », a déclaré un avocat spécialisé dans les contentieux impliquant l’armée. Reste que dans les deux affaires, il s’agit d’actes de torture. Le Royaume-Uni aurait violé les articles 3 et 13 de la convention de Genève qui stipulent que les prisonniers de guerre doivent être traités avec dignité et respect. Tony Blair était décidé à mener une guerre propre. On saura dans quelques mois si ce n’était pas là un voeu pieux.

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