« Oui, j’ai le sida… »

Pour la première fois, un journaliste a publiquement révélé sa séropositivité. Et lancé un pavé dans la mare de l’obscurantisme.

Publié le 18 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

L’affiche est partout sur les murs de Maputo, la capitale mozambicaine. Elle montre un visage en gros plan, se découpant sur un fond blanc. « Où est cette femme ? » interroge le texte. Réponse : « Elle a été trahie par le sida. » Enjeu majeur dans un pays où le taux de contamination de la population est passé, en un an, de 12 % à 15 % et où l’espérance de vie pourrait, en 2010, ne pas dépasser 35,9 ans, la lutte contre la pandémie est encore entravée par divers tabous liés au mode de transmission de la maladie.
Le 5 juin, Bento Bango (44 ans), un journaliste de l’hebdomadaire Zambèze, a apporté une contribution essentielle à ce combat. Au cours d’une conférence de presse à laquelle participaient Pascoal Mocumbi, le chef du gouvernement, Francisco Songane, son ministre de la Santé, et Janet Mondlane, la secrétaire générale du Conseil national de lutte contre le sida, il a avoué publiquement sa séropositivité. « Je voulais faire cesser les ragots, a expliqué notre confrère, qui est père de quatre enfants. Je vais m’engager dans la lutte contre la maladie et j’espère que le gouvernement et la communauté m’y aideront. »
Avant tout désireux d’avoir accès aux trithérapies, désormais disponibles au Mozambique, quoique à un prix exorbitant, Bento Bango aura peut-être contribué à lever quelques tabous. « Le gouvernement fait ce qu’il peut pour informer la population et l’on parle assez librement du sida, explique Stella Pinto, responsable du sida au sein du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) à Maputo. Mais les discussions restent générales. Dès qu’il s’agit de subir un dépistage ou de reconnaître ouvertement qu’on est porteur du virus, le silence est de rigueur. »
Bango est ainsi le premier personnage public, depuis six ans, à faire son « coming out ». En 1997, le directeur de l’une des associations qui regroupent les malades du sida avait lui aussi admis sa séropositivité. Il est décédé depuis. Très respectée dans le pays, la profession de Bango renforce indiscutablement l’impact de son annonce. « Cela montre que le sida ne frappe pas que les pauvres, mais aussi les intellectuels, les riches. Les gens ne croient que ce qu’ils voient », commente Stella Pinto.
Mais notre confrère devra probablement payer le prix de son courage. « Il a déjà été abandonné par certains membres de sa famille, explique l’une de ses amies. Mais ce qu’il a fait est formidable. Idéal pour encourager les jeunes à subir les tests. » « Je verrai bien comment mes patrons et mes amis vont me traiter maintenant », confie, de son côté, Bento Bango. Cela commence plutôt mal : il y a deux semaines, son propriétaire lui a demandé de plier bagage.

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