Mon Monde à moi…

Publié le 18 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Je vous le demande, moi qui suis lecteur du Monde depuis des lustres : qu’est-ce qu’on essaie de nous faire gober, comme quoi Le Monde ne serait plus ce qu’il était, avec ces histoires de trotskisme mal placé, de scandales étouffés, d’affaires gonflées comme la grenouille de la fable, de personnalités politiques prises en grippe et de gros sous ? On jase, on s’étale dans les vitrines des libraires, bref, on ne s’y prendrait pas autrement si l’on voulait nous brouiller avec notre journal préféré.

Moi, je ne marche pas. J’ai pu constater, au contraire, combien leur monsieur Minc avait le triomphe modeste : il a laissé étriller dans son Monde, autant dire chez lui, un texte qu’il avait écrit – enfin… publié – et j’ai entendu dire que l’auteur de la critique était toujours vivant ! Pour ce qui est de monsieur Plenel, qu’on charge aussi de tous les péchés de la Terre, on ferait mieux d’écouter les belles leçons qu’il nous enseigne sur les minorités, la démocratie, le métissage et le rôle de la presse dans tout ça plutôt que d’en ricaner. J’aimerais bien que ceux qui le soupçonnent de ne pas aimer son pays paient autant de leur personne. Quant au patron, ce « JMC » qui a lui-même choisi d’être identifié par ces seules initiales, ne nous prouve-t-il pas ainsi à quel point il aspire à se montrer discret dans ses propres colonnes ? À peine quelques lignes ici et là sous sa signature, en dehors des articles sur les campagnes électorales qu’il est si facile de sauter…

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Sans compter, je vous l’avoue franchement, que MonMonde à moi n’est pas du tout ce quotidien prétendument disparu sur lequel on verse des larmes de crocodile. En effet, si je lui suis fidèle depuis tant d’années, c’est d’abord pour ses grilles de mots croisés. Merci à Philippe Dupuis d’entretenir chaque soir, avec ses cases noires et blanches, ma culture générale. C’est un peu à lui que je dois de garder la tête hors de l’eau, y compris celle, bien trouble, dans laquelle baignent les premières pages. Celles-là, je les laisse pliées sans les lire, encollées de beurre et de confiture, pour plus tard, quand je serai confortablement installé, en vacances, face à un beau paysage, sans plus aucun souci ni aucune urgence, avec ma pile posée près de moi sur une table basse.

MonMonde ne m’a jamais fait défaut pour me guider dans mes choix les plus délicats. Madame Benaïm gouverne la longueur et le revers de mes pantalons, Patrick Kéchichian bourre de livres les étagères de ma bibliothèque, Jean-Louis Perrier m’emmène au spectacle, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz me fait excursionner dans les coins les plus inattendus et, surtout, Jean-Michel Normand m’accompagne fidèlement dans mes visites au Salon de l’auto. Quel expert, celui-là, et de si bon conseil pour trancher entre l’essence et le diesel, les breaks et les monospaces ! Sans « le carnet » et ses nécrologies, je serais bien en peine de dessiner le cercle des amis disparus. La météo décide de ma destination du week-end. Jean-Claude Ribaut, un as pour vous décrire les combats de chefs, les lâchers de truffes et les positions à prendre sur la frontière du sucré et du salé, a toute sa place dans ma cuisine. Ma femme n’a qu’à se féliciter des chroniques de Catherine Vincent, tellement convaincante quand elle évoque la pudeur du bouquetin des Alpes, les galipettes des mouches ou les émois du castor… Se serait-elle seulement arrêtée de fumer si je ne lui avais pas lu à haute voix la rubrique « Santé » du docteur Nau ? Et j’invite monsieur Cans à faire avec moi une marche en forêt : les avertissements qu’il m’a prodigués ne sont certes pas pour rien dans mon retour à la nature. Quand j’entends les détracteurs de MonMonde faire des gorges chaudes sur les dérapages du « journalisme d’investigation », moi je les renvoie à Christophe de Chenay : tout sur le périphérique où je passe le plus clair de mon temps, ses 144 ouvrages d’art (contrôlés seulement tous les dix ans) et ses 156 bretelles. J’ai vérifié : pas une seule inexactitude.

Allons ! MonMonde a sûrement encore de beaux jours devant lui si on laisse les vrais journalistes travailler. De ceux-là, on ne nous parle pas. Mais ce n’est pas demain la veille que des polémiques creuses pourront les égratigner !

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