Mission impossible pour Artemis

Limitée dans le temps et dans l’espace, l’intervention européenne dans l’Ituri n’est pas près de faire taire les armes.

Publié le 17 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

L’accalmie aura été de courte durée à Bunia. Moins de vingt-quatre heures après l’arrivée des premiers soldats français, les violences avaient repris dans la capitale de l’Ituri, province du nord-est de la RD Congo déchirée par des affrontements interethniques qui ont déjà fait plus de 60 000 morts. Lancée à l’aube par environ 500 miliciens lendus, l’attaque du 7 juin a été repoussée par les combattants hemas de l’Union des patriotes congolais (UPC), qui contrôlent la ville depuis le 12 mai. Elle a fait 70 morts, surtout du côté des assaillants. Les Français, mandatés par la résolution 1484 du Conseil de sécurité votée le 30 mai, interviennent dans le cadre de l’opération européenne Artemis, dont ils ont reçu le commandement. Pas assez nombreux ce jour-là (ils étaient quelques dizaines tout au plus), ils n’ont pas pris part aux combats et sont restés dans le périmètre de l’aéroport.

La force multinationale en voie de constitution a pour mission de sécuriser la ville et d’épauler le bataillon de la Monuc, la Mission des Nations unies en RDC. Ses 700 Casques bleus uruguayens arrivés en avril n’ont pu protéger la population de Bunia des exactions des factions rivales (voir J.A.I. n° 2213). La force comprendra 1 500 soldats, français aux deux tiers, lourdement armés, mais elle ne sera pas au complet avant six semaines. « La piste de l’aéroport constitue un goulet d’étranglement, explique le colonel Christian Baptiste, de l’état-major des armées. Elle ne permet pas plus de six à sept rotations journalières. Nous faisons venir les unités combattantes les unes après les autres, mais chaque détachement qui débarque est complet et immédiatement opérationnel. Nous avons déployé quatre cents hommes à ce jour [le 13 juin]. »
Les soldats présents à Bunia sont maintenant assez nombreux pour commencer à patrouiller dans la ville et pour rassurer des habitants terrorisés par les exactions des enfants-soldats de l’UPC, réputés pour leur brutalité. Comment réagiront-ils en cas de nouvelles provocations ? « Avec retenue mais fermeté, répond le colonel Baptiste. Le terrain est très délicat, il ressemble à la ligne de front de l’Ouest ivoirien, avec des combattants souvent très jeunes, qui n’ont pas toujours beaucoup de discernement et qui peuvent avoir des comportements irrationnels. Il faudra contrôler ses nerfs, se montrer persuasifs et agir avec intelligence. »

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Ce sont les officiers de la Monuc qui se chargeront de la liaison entre militaires franco-européens et miliciens hemas et lendus, et qui feront passer les messages. Les soldats d’Artemis s’en tiendront au volet strictement militaire, et ne négocieront rien avec les belligérants. Car ils seront en position de force. Au besoin, ils pourront bénéficier de l’appui des mirages stationnés au Tchad et des hélicoptères de combat qui seront bientôt acheminés sur Bunia. Mais leur mission est limitée dans le temps (ils doivent être remplacés le 1er septembre par un bataillon venu du Bangladesh) et dans l’espace : elle s’arrête aux portes de Bunia. C’est là où le bât blesse. Même s’ils ont connaissance de massacres de masse, ils ne pourront intervenir. « Si la communauté internationale avait voulu régler le problème de l’Ituri dans son ensemble, elle s’y serait prise autrement », commente un observateur.

La province, grande comme deux fois la Belgique, est le théâtre d’exactions depuis plus de quatre ans, et les chefs de guerre locaux, soutenus et manipulés par l’Ouganda et le Rwanda, ne semblent aucunement décidés à conclure une trêve. Est-ce que la réaffirmation par le Conseil de sécurité, dans la résolution 1484, de l’urgence d’une solution politique suffira à faire taire les armes dans la région ? Il est permis d’en douter. La stabilisation de Bunia risque au contraire d’aiguiser les appétits. L’UPC, dont beaucoup des combattants étaient parqués aux alentours de la ville pour en interdire l’accès aux Lendus, vient d’annoncer une offensive victorieuse sur Mongbwalu, à 90 km au nord de Bunia. Les Lendus, pour leur part, continuent à semer la terreur dans les campagnes : un raid sur la petite ville hema de Katoto aurait fait 110 morts, selon le maire de la localité. Les journalistes qui se sont rendus sur place ont identifié trois fosses communes…

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