L’ère du soupçon

Publié le 18 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

La polémique provoquée par le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen est, qu’on le veuille ou non, anecdotique. D’ailleurs, près de quatre mois après la sortie de La Face cachée du « Monde », il faut bien avouer que le soufflé est en partie retombé. Le quotidien du soir a été attaqué, critiqué. Le Tout-Paris intellectuel, affairiste et médiatique a sauté sur l’occasion pour sortir de l’ennui, jusqu’au conflit irakien… Les affaires du monde, le vrai, ont repris le dessus.
Pourquoi revenir aujourd’hui sur cette joute qui a opposé, entre autres, deux des plus célèbres chantres du journalisme d’investigation, Pierre Péan et Edwy Plenel ? Pour comprendre ce qu’ils se sont reproché, et parce que Le Monde n’est pas un cas unique. La remise en cause du rôle des médias en général et de la presse en particulier est à la mode. Et c’est tant mieux. Personne n’y échappe. Même le célèbre New York Times a été épinglé. Le 5 juin dernier, Howell Raines, directeur de l’information et rédacteur en chef exécutif, et Gerald Boyd, directeur de la rédaction, ont démissionné. Ils font les frais des affaires Jayson Blair et Rick Bragg, convaincus de plagiat et de falsification. Souvenons-nous aussi des sordides attaques de la presse populaire britannique contre la France et du bellicisme fanatique de certains journaux américains au moment où la guerre d’Irak se « décidait ». N’oublions pas les dérapages des uns, les connivences des autres, les affaires enterrées et celles montées de toutes pièces. La presse est un pouvoir. La défiance actuelle à son égard est une forme de contre-pouvoir. Parce qu’il en faut bien un…

Le secteur de l’information est un de ceux qui ont subi le plus de transformations au cours de la décennie écoulée : Internet s’est incrusté dans la plupart des foyers, l’offre s’est considérablement développée (satellite, câble, presse spécialisée, journaux gratuits, etc.), la télévision est sur tous les fronts. Les pays en développement n’ont, pour une fois, pas été abandonnés sur le bord de la route. Les Algériens, par exemple, disposent d’une vingtaine de quotidiens ! Les cybercafés poussent comme des champignons, les paraboles se démocratisent. L’information circule à vitesse grand V. Terme consacré et significatif, les autoroutes de l’info ont succédé aux sentiers accessibles à un petit nombre. Comme pour toute (r)évolution, des garde-fous sont nécessaires. Lesquels ? Les lecteurs, en premier lieu. Aujourd’hui, même les plus fervents admirateurs du Monde le parcourent avec circonspection. Le ver est dans le fruit, le soupçon s’est installé. Il sera difficile, voire impossible, de l’en déloger.

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