Le discours et la réalité

Publié le 17 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

Les producteurs africains de coton ont décidé d’être les premiers dans l’ex-Tiers Monde à se révolter contre un ordre international qui opprime, depuis des décennies, l’ensemble des producteurs agricoles des pays du sud de la planète.
Ils ont délégué à Genève le président du Burkina, Blaise Compaoré, pour faire entendre leur voix et leurs arguments, ce qu’il a fait au début de la semaine.
Ils ne portent pas encore plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce ; ils commencent par saisir l’opinion publique du scandale des subventions des pays riches à leurs agriculteurs – et ils demandent réparation financière pour le déséquilibre ainsi créé.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les États-Unis versent 3 milliards de dollars par an de subventions à leurs 25 000 cotonniers ; la Chine, 1,2 milliard aux siens, et l’Union européenne, 1 milliard.
Les producteurs d’Afrique de l’Ouest et centrale (Bénin, Burkina Faso, Mali, Tchad et Togo) – qui, eux, sont dix millions – estiment que ces subventions faussent le commerce, les contraignent à exporter leur coton à perte et induisent un manque à gagner de 250 à 300 millions de dollars par an.
Pourquoi ne recevraient-ils pas, en réparation du préjudice qui leur est causé et par un mécanisme à inventer, une partie des énormes subventions libéralement distribuées par Washington, Bruxelles et Pékin ?
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Cela pour le seul coton. Mais le problème est bien plus vaste… Les autres producteurs agricoles des pays non industrialisés (et qui n’ont donc que l’agriculture comme monnaie d’échange) se heurtent au même mur de l’argent. Je vous en livre les chiffres, qui donnent le vertige et conduisent à conclure que « l’aide » que les pays riches donnent aux pays pauvres, par le truchement de la Banque mondiale, de l’Agence française de développement et de leurs autres « guichets », n’est, hélas ! qu’une tromperie qui sert, c’est le cas de le dire, à « donner le change ».

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Tous les ans, les pays riches dépensent plus de 1 milliard de dollars par jour pour soutenir leurs producteurs agricoles, six fois ce qu’ils affectent annuellement à l’aide au développement.
À eux seuls, l’Union européenne et les États-Unis sont responsables des deux tiers du total des subventions. Résultat : des niveaux de production toujours plus élevés, moins d’importations et le bradage des excédents sur les marchés mondiaux.

Les paysans des pays en développement sont lésés de deux manières : les exportations subventionnées des pays riches « cassent » les prix sur les marchés locaux et mondiaux, et les tarifs douaniers élevés leur barrent l’accès aux marchés des pays riches.
Les gouvernements des pays du nord de la planète nous rebattent les oreilles avec les avantages de la libre concurrence, et du libéralisme en général. Et, en même temps, multiplient les subventions et les avantages indus.
Les subventions perpétuent un déséquilibre injuste entre le nord et le sud de la planète. Les obstacles que les pays riches mettent devant les produits des pays pauvres asphyxient ces derniers.

Retenez le chiffre qui résume ce scandale planétaire : les 50 à 60 milliards de dollars d’aide annuelle mondiale au développement sont annulés – et au-delà ! – par les 350 à 400 milliards de subventions déséquilibrantes des pays riches à leurs agriculteurs.
On prétend aider : c’est le discours. Et, dans les faits, on étrangle.

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