[Tribune] RDC – 30 juin 1960-30 juin 2020 : soixante ans d’indépendance, soixante ans d’incertitude
Soixante après l’indépendance, la RDC semble encore bien loin d’être l’État de droit dont les Congolais avaient rêvé en 1960.
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Martin Mulumba
Docteur en Droit Public et chercheur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Publié le 30 juin 2020 Lecture : 2 minutes.
En accédant à l’indépendance le 30 juin 1960, le peuple congolais rêvait de vivre dans un véritable État de droit, avec une stabilité politique et démocratique, pour construire un avenir meilleur. Mais cet espoir fut de courte durée : quelques mois plus tard, l’immaturité politique des dirigeants plongeait le jeune État dans une zone de turbulences, dont les séquelles constituent les causes lointaines de l’incertitude que connaît toujours, soixante ans plus tard, la RDC. Le soleil de l’indépendance est ainsi passé avec son lot de misères pour les Congolais !
• Incertitude de la construction d’un véritable État de droit
Élu démocratiquement par les deux Chambres du Parlement, Joseph Kasa-Vubu, premier président du Congo, a été brutalement écarté du pouvoir par un coup d’État de Joseph-Désiré Mobutu. Cette déconstruction de la démocratie, qui a été précédée par l’assassinat de Patrice Emery Lumumba, a ainsi posé les bases d’une réelle incertitude dans l’édification d’un véritable État de droit, pourtant consacré dans les différents textes constitutionnels congolais comme idéal.
Du monopartisme du maréchal Mobutu à la révolution armée de Laurent-Désiré Kabila, le Congo-Kinshasa n’a fait que confirmer la primauté des individus sur le droit. Toute idée d’un État de droit n’avait son sens qu’en théorie. La souveraineté du peuple garantie dans les textes constitutionnels était tantôt confisquée, tantôt refusée. Ainsi Joseph Kabila succéda à son père assassiné comme un prince héritier, alors que le Congo est une République !
• Incertitude d’une stabilité politique et démocratique
Les élections pluralistes organisées en 2006, 2011 et 2018, censées donner aux Congolais la possibilité de choisir librement leurs dirigeants, ont été caractérisées par une absence totale de transparence. Elles ont constitué une source de tensions au lieu d’apporter la paix, faisant ainsi de la volonté des leaders la seule source de souveraineté. Et comme elles étaient le fruit de scrutins mal organisés, les institutions congolaises ont souffert, dans leur fonctionnement, d’un vrai déficit d’indépendance.
Une absence totale de transparence aux élections
Proclamé cinquième président de la RD Congo par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), dont les résultats ont été validés par la Cour constitutionnelle, Félix Tshisekedi a choisi de faire une coalition avec son prédécesseur dans le but de garantir la stabilité politique du pays et son bon fonctionnement.
Mais cette coalition, dont les fondations sont fragiles, n’est pas assimilable à une alliance destinée à soutenir le chef de l’État. Chacun de ses membres poursuit des objectifs diamétralement opposés, alimentant l’inquiétude et anéantissant les espoirs qu’avait pu soulever l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi.
John WESSELS/AFP
• Incertitude autour de la paix et d’un avenir meilleur
Cette situation trouble explique que les Congolais ne croient pas en la possibilité d’un développement économique inclusif, pas plus qu’ils ne croient en la paix et en la stabilité. Même si le président Tshisekedi s’efforce de rendre à la justice son indépendance, presque tout reste à faire pour qu’enfin, l’espoir d’un avenir meilleur remplace cette incertitude qui caractérise la RDC depuis juin 1960.
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