Jean-Claude Duvalier Ancien président de la République d’Haïti

Publié le 17 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

A croire son avocat et les rares personnes qui l’ont côtoyé, Jean-Claude Duvalier, alias Baby Doc, l’ancien président de la République d’Haïti, est un homme fini. Il vit aujourd’hui à Paris avec sa compagne, Véronique Roi, dans un modeste deux pièces, loué obligeamment par un ami qui s’acquitte des 850 euros (550 000 F CFA) de loyer.
Physiquement, Duvalier a changé. Terminé le triple menton et l’air repu qu’il affichait sur les photographies d’avant 1986, date de sa chute. Il a maigri, ses tempes sont grisonnantes et sa voix n’est plus qu’un murmure. Le journaliste italien Riccardo Orizio, qui l’a rencontré pour les besoins de son livre, Conversation avec le diable, rencontre avec sept dictateurs (éditions Secker & Warburg), a noté son ton las, son air fatigué, presque absent.
Baby Doc est ruiné. Vendues la Ferrari Testarossa et la BMW à bord desquelles il sillonnait le sud-est de la France, aux premières heures de l’exil. Vendu le château de Théméricourt (région parisienne), où le président à vie jouait les Roi-Soleil. Quant aux 20 millions de dollars certains disent 300 millions déposés sur un compte suisse, après lesquels couraient, dans les années quatre-vingt-dix, les avocats du nouveau pouvoir haïtien, envolés ! Tout comme Michèle Bennett, sa dépensière épouse. Grande
argentière officieuse du temps de la splendeur, elle était trop avisée en affaires pour conserver un nom aussi encombrant.
Après les ors du pouvoir absolu, Duvalier a erré sans le sou, poursuivi par le fisc français, les avocats internationaux, les créanciers. Sa rencontre avec Véronique Roi lors d’une réception,le jour de l’invasion du Koweït par l’Irak le 2 août 1990 , n’a pas tout de suite arrangé les choses. La jeunefemme a seulement partagé sa galère. Toujours dans le sud de la France, le couple a logé dans des bicoques de plus en plus petites, se faisant même couper le téléphone pour défaut de paiement, jusqu’à être contraint d’habiter à l’hôtel. Un jour, Baby Doc s’est fait arrêter pour grivèlerie à Mougins, après être parti sans payer de l’Eden Bleu, où il résidait avec sa mère, Simone, sous le nom de monsieur et madame Valère. Véronique l’a tiré du commissariat en réglantla note. Impétueuse conseillère en communication, la jeune femme est plus « duvaliériste » qu’un Tonton Macoute, comme on appelait les membres de la police politique en Haïti. Elle a pris son bâton de pèlerin pour mobiliser les Haïtiens de la diaspora déçus par le régime de Jean-Bertrand Aristide et lever des fonds. Elle s’occupe aussi du site Web de son idole, quoique www.duvalier.net soit toujours « en construction ».
C’est pourtant par ce biais que l’ancien président est censé garder le contact avec ses militants, pour lesquels il s’est fendu d’une « adresse à la nation » en septembre 2000 et hélas ! aujourd’hui indisponible. Elle était supposée les mobiliser en sa faveur pour les élections haïtiennes de novembre de la même année. Les nostalgiques de la dictature restent cependant peu nombreux, même si Véronique affirme qu’ils sont en constante augmentation. Elle estime que Baby Doc est influent au point d’être le « cauchemar » d’Aristide. Il est vrai que les chauffeurs de taxi, agents immobiliers, ouvriers d’usine émigrés de la première heure, soutenus par quelques fils à papa partis avec la caisse de
l’entreprise avant l’effondrement du régime sont autant d’agents de propagande. Moyennant quoi,le peu loquace président, qui déteste parler du passé, envisage l’avenir sous d’agréables auspices. Il a chassé le fantôme de son père, la mort l’a délivré d’une mère étouffante, et les exigences extravagantes de Michèle ne sont plus qu’un vieux souvenir. Mais le chemin d’un hypothétique retour en grâce est long. Comment meubler le temps dans l’intervalle ?
En dix-sept ans d’exil, Jean-Claude Duvalier n’a rien fait. Il n’a ni écrit, ni esquissé le moindre geste pour gagner de l’argent. De hobby, il n’en a pas. Il a confié à une journaliste du quotidien américain The Wall Street Journal qu’il a fréquenté l’université pour améliorer ses connaissances en administration et en relations internationales. Voulait-il apprendre à être président, lui qui ne l’est devenu que parce que son père l’était ? « Tout ce que je sais faire, c’est de la politique,
déclare-t-il, pour excuser son inertie. Une seule chose m’intéresse : l’énergie solaire. J’aimerais l’utiliser pour relancer l’économie d’Haïti. » Un programme un peu mince, mais Jean-Claude Duvalier a du temps devant lui, il n’a que 51 ans.

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