Il est temps de reconstruire l’Irak

Publié le 17 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

«La liberté est brouillonne », dit un jour Donald Rumsfeld pour excuser le chaos où est tombé l’Irak après la chute du régime de Saddam Hussein : « Les gens libres sont libres de faire des erreurs, de commettre des crimes et autres mauvaises actions. » Il a été entendu. Sans aller plus loin que Bassorah, voyons ce que les pillards ont fait d’une seule institution : son université, où travaillaient douze mille étudiants. On dirait qu’une tornade l’a dévastée. Les pillards ont emporté tous les bureaux et les chaises, saccagé la bibliothèque, enlevé les cadres des fenêtres et arraché les câbles. Qu’on passe aux usines proches de Bagdad, à la plupart des ministères, des centrales électriques, des raffineries de pétrole, des canalisations d’eau, c’est le même spectacle : tout a été ravagé.

« Il n’y a ni police ni juge dans mon quartier : je peux vous tuer dans l’instant et personne ne dira rien, m’explique un ingénieur, Hasanian Mouallah. Nous sommes très heureux d’être débarrassés de Saddam, mais ce qu’on voit dans la rue nous déprime. Les gens ne se soucient pas de savoir qui sera vice-président. Ils veulent seulement un gouvernement. » Je suis sûr que la situation s’améliorera. Mais après avoir parcouru tout le centre de l’Irak, voici ce qui me désole : la conduite de cette guerre a été si éprouvante, la couverture de la ruée vers Bagdad si télégénique et l’atmosphère si dramatique quand furent abattues les statues de Saddam que tous ceux qui vécurent ces événements semblent préférer que l’histoire s’arrête ici.
Les uns et les autres ne sous-estiment pas seulement la difficulté de reconstruire une nation avec ce peuple blessé, mais tout aussi bien la profondeur de l’abîme qu’ont creusé sous nos pas les pillages et le vide de pouvoir. Nous avons besoin d’un pont aérien d’urgence pour amener des officiers de la police militaire, d’un système de téléphonie mobile pour que les gens puissent communiquer, et d’une station de télévision. Et il nous faut aussi, comme me l’a dit un général américain, « prendre ces 600 millions de dollars de la caisse de Saddam que nous avons trouvés, les charger dans un hélicoptère et les distribuer d’un bout à l’autre du pays ». Nous avons à relancer l’économie.

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Les Irakiens sont un peuple épuisé. La plupart semblent prêts à nous donner une chance, et nous avons essayé de faire de ce pays un lieu décent – mais non en entreprenant de le reconstruire. Cette approche commence à échouer en Afghanistan, et elle ne fonctionnera jamais en Irak. Nous avons perdu tout un mois. Nous devons nous décider à agir ensemble et avec énergie. Pourquoi Rumsfeld ne parle-t-il pas chaque jour aux journalistes de la reconstruction de l’Irak, comme il le faisait pour la destruction de Saddam ?
L’Amérique a un rôle impérial à jouer ici. Notre sécurité et notre statut international dépendent de notre capacité à bien gérer l’Irak. Si l’administration Bush a quelque chose de plus important à faire, j’aimerais le savoir. La situation en Irak peut encore se détériorer pour cent raisons irakiennes, mais faisons en sorte que ce ne soit pas à cause de l’ennui, de la fatigue ou de la distraction de l’Amérique.

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