Guerre des chefs au PDS

Abdoulaye Wade pourrait profiter de la querelle qui oppose Idrissa Seck à Aminata Tall pour remettre de l’ordre dans le parti au pouvoir.

Publié le 18 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

«Au Parti démocratique sénégalais (PDS), seul Wade a un pouvoir de décision. C’est lui qui procède à toutes les nominations et révoque qui bon lui semble. » En nous tenant ces propos, dans la matinée du 4 juin, Idrissa Seck, le Premier ministre sénégalais, ne savait pas à quel point il avait raison. Dans l’après-midi du même jour, le chef de l’État a en effet intégré Aminata Tall, ancien ministre du Développement social et de la Solidarité nationale et maire de Diourbel, à la direction politique nationale du PDS. Or, depuis son départ du gouvernement, en novembre 2002, celle-ci est en conflit ouvert avec Seck ! Pis encore, sa mise à l’écart avait été décidée par le parti, le 30 mai, à l’instigation de Wade lui-même.
Que s’est-il donc passé ? A-t-elle menacé de rejoindre l’Alliance des forces du progrès (AFP) de Moustapha Niasse ? Ou le PS de « Tanor » ? Ce n’est pas exclu, en dépit du caractère périlleux de la manoeuvre. « Elle risquait de perdre sur les deux tableaux, estime un militant libéral. Il se trouve que des leaders de ces deux formations sont fort bien implantés dans son fief. Jamais ils n’auraient accepté de s’effacer devant elle. » D’autres sont convaincus qu’elle a, en réalité, menacé de créer son propre parti. « Son tempérament l’y prédispose, susurre l’un de ses « camarades », mais la démarche eût été suicidaire. L’histoire du PDS montre que tous les responsables qui ont claqué la porte sont, à de rares exceptions près, tombés dans l’oubli ou ont fini par rentrer au bercail. »
L’ampleur prise par la querelle n’en est pas moins surprenante, dans la mesure où Tall n’a jamais sérieusement menacé le leadership de Seck sur le parti. Jusqu’à leur nomination au gouvernement, il y a trois ans, les deux responsables entretenaient d’ailleurs les meilleures relations et c’est du reste Seck, alors numéro trois du PDS, qui, en 1988, remit à Tall sa carte d’adhérent. Après avoir milité dans la « section bleue » (sorte de cinquième colonne libérale au sein de l’administration), Tall était devenue l’une des intellectuelles les plus en vue du parti. Elle siégea avec Wade dans le premier gouvernement de « majorité présidentielle élargie », constitué en avril 1991.
« Au milieu des années quatre-vingt-dix, à l’époque où Seck disputait à Ousmane Ngom le poste de numéro deux du parti, elle était à ses côtés, se souvient un responsable du PDS. Mais leurs ambitions ont fini par se heurter. Dans le premier gouvernement d’alternance, elle a demandé en vain le ministère des Affaires étrangères. Et quand, pendant la campagne législative d’avril 2001, Wade a annoncé son intention de nommer une femme à la primature, Aminata a cru que son heure était venue. Elle a été très déçue quand Mame Madior Boye a été reconduite dans ses fonctions. » Sa déception sera plus grande encore lorsque, en novembre 2002, elle sera tenue à l’écart du premier gouvernement Seck.
En décidant de l’intégrer à la direction du PDS, Wade, qui s’était jusqu’ici soigneusement gardé de prendre parti dans la querelle, semble bien avoir donné le coup d’envoi d’une opération de restructuration dont Khoureychi Thiam, l’éphémère ministre du Commerce, a d’ores et déjà fait les frais. Tenu pour responsable de la perte de la présidence du conseil régional de Tambacounda, il a été démis de son poste de patron de la fédération du parti.
Mais la réorganisation en cours se traduit aussi par le retour au bercail de plusieurs anciens dissidents. Après Serigne Diop, l’actuel ministre de la Justice (qui avait quitté le parti en 1986), c’est au tour d’Ousmane Ngom, l’ancien dauphin, parti en 1998, et peut-être de Jean-Paul Dias, le leader du Bloc des centristes Gaïndé (BCG).
Pourquoi Wade rameute-t-il ainsi ses anciens dauphins ? Sans doute parce qu’il redoute d’être lâché par ses alliés, la LD/MPT d’Abdoulaye Bathily et And Jëf de Landing Savané, avant les prochaines échéances électorales, en 2006. Ceux-ci s’agacent en effet de l’omniprésence croissante de leur partenaire dans les rouages de l’État.

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