Amour de jeunesse
Publié le 18 juin 2003 Lecture : 2 minutes.
J’appartiens à cette catégorie de lecteurs capables de faire des kilomètres pour se procurer Le Monde. Cette passion remonte très précisément à 1969, année particulièrement riche pour la politique française. En avril, consulté par référendum, le corps électoral rejetait la réforme sur la régionalisation. Désavoué, de Gaulle démissionnait. En juin, Georges Pompidou l’emportait au second tour de la présidentielle contre Alain Poher, le président du Sénat, qui avait assuré l’intérim après le départ du général. Une telle succession d’événements était du pain bénit pour l’étudiant que j’étais : à Sciences-Po, le droit constitutionnel était la matière principale. C’est alors que je découvris qu’il y avait un journal qui consacrait des pages entières à un sujet tel que la réforme du Sénat, exposant le point de vue de spécialistes et offrant une information équilibrée. Le Monde me fut d’un grand secours dans ces circonstances. Depuis, je sens comme une dette à son égard.
Toutefois, ce n’est pas sans dépit que j’ai suivi les changements de fond et de forme du journal de Beuve-Méry. Les « unes » racoleuses, les pseudo-révélations, l’acharnement contre tel personnage ou, au contraire, les positions étrangement bienveillantes en faveur de tel autre l’ont fait tomber du piédestal où je le plaçais. Et les critiques de tout ordre formulées dans les salles de rédaction à l’encontre du triumvirat Colombani-Plenel-Minc ne m’ont pas échappé. Alors, le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen ne m’a pas vraiment apporté de révélations fracassantes. Je le trouve agressif, parfois insidieux, mais, dans l’ensemble, les auteurs ont fait correctement leur travail d’investigation. Comme on dit dans le métier, ils avaient un axe – les dérives d’un journal qui prétend donner des leçons déontologiques aux autres – et l’ont suivi de bout en bout. Il en ressort cette impression de procès à charge. Je lis aujourd’hui Le Monde avec beaucoup plus de circonspection, mais tout aussi assidûment. Pour moi, il reste irremplaçable.
