Un magicien au dé d’or

Le couturier sénégalais Pape Ibrahima N’diaye est devenu Monsieur Pape à Paris en habillant les plus grands : avocats, hommes d’affaires, chefs d’État… En attendant d’ouvrir des magasins sur le continent.

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 6 minutes.

Il s’exprime d’une voix dont la douceur sied au cadre feutré de son magasin, une boutique très cosy aux boiseries acajou et aux tissus muraux rayés bleu ciel et blanc. Centimètre à la main, porte-épingles au poignet, l’homme prend les mesures du client debout dans le salon d’essayage. Il le conseille en lui montrant, dans les échantillons de tissus que lui tend son assistante, les tons qui devraient lui aller. Nous sommes chez Pape Ibrahima N’diaye, alias monsieur Pape, maître-tailleur de luxe. C’est avenue Rapp, dans le 7e arrondissement de Paris, l’un des quartiers les plus chic de la capitale, que ce Sénégalais de 53 ans a ouvert son magasin. Il n’a pas choisi l’endroit au hasard. Il reflète l’élégance et l’atmosphère de luxe qui font la réputation de Paris. Les clients de monsieur Pape ? Des avocats, des hommes d’affaires soucieux de leur élégance. Mais aussi des hommes politiques français de tous bords, et des chefs d’État africains. En habillant ces derniers, il réalise un rêve qui l’a hanté depuis sa plus tendre enfance. « Mon père médecin voulait que je prenne la relève tandis que ma mère souhaitait que je fasse des études de droit. Moi, ce que je voulais, c’était faire ce métier », raconte celui qui, à 13 ans déjà, confiait à son entourage : « Plus tard, je veux aller en France et habiller les grands et les chefs d’État. » Mais qui aurait cru que le petit apprenti sénégalais réaliserait un jour son rêve ?
Il s’exprime d’une voix dont la douceur sied au cadre feutré de son magasin, une boutique très cosy aux boiseries acajou et aux tissus muraux rayés bleu ciel et blanc. Centimètre à la main, porte-épingles au poignet, l’homme prend les mesures du client debout dans le salon d’essayage. Il le conseille en lui montrant, dans les échantillons de tissus que lui tend son assistante, les tons qui devraient lui aller. Nous sommes chez Pape Ibrahima N’diaye, alias monsieur Pape, maître-tailleur de luxe. C’est avenue Rapp, dans le 7e arrondissement de Paris, l’un des quartiers les plus chic de la capitale, que ce Sénégalais de 53 ans a ouvert son magasin. Il n’a pas choisi l’endroit au hasard. Il reflète l’élégance et l’atmosphère de luxe qui font la réputation de Paris. Les clients de monsieur Pape ? Des avocats, des hommes d’affaires soucieux de leur élégance. Mais aussi des hommes politiques français de tous bords, et des chefs d’État africains. En habillant ces derniers, il réalise un rêve qui l’a hanté depuis sa plus tendre enfance. « Mon père médecin voulait que je prenne la relève tandis que ma mère souhaitait que je fasse des études de droit. Moi, ce que je voulais, c’était faire ce métier », raconte celui qui, à 13 ans déjà, confiait à son entourage : « Plus tard, je veux aller en France et habiller les grands et les chefs d’État. » Mais qui aurait cru que le petit apprenti sénégalais réaliserait un jour son rêve ?
Pour suivre sa vocation, il abandonne les bancs de l’école dès l’âge de 12 ans. Aux travaux pratiques, il préfère les travaux d’aiguille. Alors, le verbe coudre, il décide de le conjuguer au présent. Au cours des sept années suivantes, il apprend le métier de tailleur dans l’arrière-boutique de son beau-frère. Il s’envole ensuite pour Paris, capitale de la mode. Et acquiert ses nouvelles connaissances dans une vénérable institution fondée en 1860 : l’Académie internationale de coupe. Lorsqu’il en sort au bout de six ans, diplômes sous le bras, Pape Ibrahima ne se doute pas qu’il aurait pu s’écrier à ce moment-là, tel le Rastignac de Balzac : « À nous deux Paris ! » Mais avant de conquérir la ville, le jeune homme plein d’ambition va d’abord aiguiser ses ciseaux dans les bonnes maisons de la capitale où il officie comme tailleur. Il sera même, un temps, professeur de modélisme dans l’école où il fut élève. De fil en aiguille, il glane d’autres expériences dans des ateliers de Grande-Bretagne et d’Italie, et devient maître-tailleur de l’antenne parisienne de Hackett, prestigieux établissement anglais, fournisseur officiel du Tout-Buckingham.
Très vite, Pape Ibrahima rachète une boutique. Dont l’enseigne sera : Pape. Quatre lettres flamboyantes avec lesquelles il compte bien se faire une place dans le monde fermé du sur-mesure parisien. Nous sommes alors en 1991, et la notoriété ne tarde pas à venir. Le succès également. Pape va jusqu’à traverser la Manche. Il veut habiller le client de la tête aux pieds. Chapeaux, chemises, cravates, pulls, chaussures, pyjamas et jusqu’à l’after-shave, tout est signé Pape. Sans oublier les accessoires comme les ceintures, les boutons de manchettes et les bretelles. Surfant sur la vague du succès, il ouvre en 1998 une seconde boutique avenue George-V, à quelques pas des Champs-Élysées.
Le secret de celui qu’on appelle désormais l’Africain aux doigts d’or tient dans « la coupe, la ligne, le centrage, le col à l’anglaise, l’épaule », qu’il monte d’une façon qui n’appartient qu’à lui. Et, surtout, dans ce goût pour le style anglais, sa passion : « Le style anglais, c’est la sagesse, quelque chose qui dure, contrairement au style français qui symbolise la création, et la création évolue. J’ai voulu mélanger les genres anglais, français, italien, avec une prédominance pour le style anglais. » Pour ce qui est des coloris, il a fait du bleu marine sa couleur de prédilection, car « c’est la pureté, la douceur ». Mais il affectionne aussi le gris anthracite, qui, associé à une coupe classique, « symbolise » l’outil de travail qu’on peut porter à tout moment.
Désormais, Pape a une large clientèle. Essentiellement européenne au départ, sa réputation, portée par le bouche à oreille, a franchi les océans. Des Africains deviennent des habitués. Plusieurs chefs d’État du continent en font bientôt leur tailleur personnel. Lesquels ? Le Sénégalais refuse de dévoiler l’identité de ses prestigieux clients, à qui il va lui-même livrer leurs costumes. Il a fait de la discrétion sa règle de vie. On n’en saura pas plus sur cette élite parisienne qu’il habille, ces hommes politiques français célèbres ou ces stars du show-biz.
Star lui-même, Pape a été, en 1995, fait chevalier de l’Ordre national du mérite par Jacques Godfrain, alors ministre de la Coopération. Ce jour-là, ses pensées vont au défunt président Léopold Sédar Senghor, son modèle : « Senghor a donné l’inspiration créatrice aux Sénégalais en privilégiant leur fibre artistique », se remémore-t-il avec émotion. Un juste retour aux sources.
Car ce n’est pas parce qu’il a pignon sur rue dans la plus belle ville du monde qu’il en néglige le continent. L’Afrique, Pape s’en préoccupe. Pas seulement en habillant gracieusement les équipes nationales de football maliennes et sénégalaises, ou en offrant des autobus à une fondation qui s’occupe d’orphelins marocains. Le maître-tailleur projette d’ouvrir de nouvelles boutiques sur le continent. Libreville, Yaoundé, Brazzaville et Abidjan, « car ce sont des pays porteurs qui aiment le beau, pour ne pas dire le luxe ». Au Sénégal, il s’implantera autrement, en créant une chaîne de fabrication de prêt-à-porter destiné à l’export. « Il faut fabriquer local, surtout depuis que le franc CFA a été dévalué, et montrer ce que les Africains sont capables de faire dans le domaine industriel », explique-t-il. Un moyen de procurer du travail à ses compatriotes, car Pape compte bien en profiter pour faire de la sous-traitance et attirer ainsi les distributeurs français, anglais, italiens, allemands et américains, trop souvent sollicités par d’autres marchés. Il compte aussi ouvrir de nouvelles unités de fabrication dans d’autres pays d’Afrique.

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