Rumeurs, conjectures et arrière-pensées

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Alors qu’il reste encore quinze jours avant de savoir si la France adoptera ou rejettera la Constitution européenne, la classe politique paraît à bout de souffle. Partisans du oui ou tenants du non, tous donnent l’impression d’avoir épuisé leurs arguments et de ressasser à l’infini les raisons de leur choix, sans rien apporter de nouveau. Cette langueur contraste avec la passion des Français, qui, eux, s’enflamment comme ils l’ont rarement fait dans le passé pour une consultation électorale. Plusieurs indices en témoignent : les émissions de télévision consacrées au référendum sont largement suivies ; les livres traitant de la future Constitution figurent parmi les meilleures ventes ; les meetings font souvent salle comble et rassemblent des auditoires qui n’hésitent pas à interpeller les orateurs et à leur poser des questions précises traduisant une connaissance approfondie du dossier ; enfin, les sondages révèlent une importante mobilisation de l’électorat. Lequel a déjà décerné ses bons et ses mauvais points.
Ainsi Jean-Marie Le Pen, le leader d’extrême droite, qui fait pourtant, volontairement, une campagne modeste, voire terne, apparaît-il comme le plus actif dans la défense du non, devant le souverainiste Philippe de Villiers et le socialiste Laurent Fabius. Quant au camp du oui, c’est, selon 45 % des personnes interrogées, par Jacques Chirac qu’il est le mieux représenté. Le chef de l’État devance largement Nicolas Sarkozy (14 %) et François Hollande (11 %)*. Quoi qu’il en soit, le suspense demeure total : à en croire les enquêtes d’opinion, les deux camps sont toujours au coude à coude.
Mais la principale originalité de la situation réside dans le fait que, pour une fois, ce ne sont pas la gauche et la droite qui s’opposent, mais, d’un côté, le pouvoir exécutif (Chirac, Jean-Pierre Raffarin) et les chefs des partis de gouvernement (Hollande, Sarkozy, François Bayrou), et, de l’autre, les responsables des mouvements protestataires. Les membres de ce cartel des non, qui va de l’extrême droite (le Front national) à l’extrême gauche (les diverses formations trotskistes) en incluant au passage quelques individualités en dissidence de parti comme Laurent Fabius, ne sont d’accord sur rien, sauf sur le refus du traité proposé. C’est dire qu’en cas de victoire ils ne parviendront certainement pas à s’entendre et n’obtiendront pas la renégociation de la Constitution qu’ils appellent, pour le moment, de leurs voeux. D’autant que l’extrême droite est numériquement la force plus importante de cette coalition très hétéroclite.
En attendant le résultat du scrutin, chacun spécule déjà sur ses lendemains. C’est même devenu le sport préféré des hommes politiques. Chacun y va de sa confidence plus ou moins intéressée… Ainsi, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, dont la cote de popularité a encore baissé dans les sondages, répète-t-il à qui veut l’entendre qu’il envisage sereinement son départ en cas de victoire du oui. Et qu’il entend décider, en accord avec le président, des modalités de cet éloignement. L’hypothèse n’est donc plus taboue, et le chef du gouvernement va jusqu’à porter des jugements sur ses successeurs potentiels. Mais Chirac est-il vraiment d’accord pour se séparer de lui dès maintenant ? Sa religion, dit-on, n’est pas faite. Il préférerait même attendre la fin de cette année, afin que le nouveau Premier ministre puisse apparaître comme un homme neuf dans la perspective de l’élection présidentielle de 2007.
Ces spéculations ne concernent pas uniquement l’exécutif. Tous les principaux leaders tentent de se prémunir contre les conséquences – qu’ils ignorent – du référendum. C’est le cas par exemple de Fabius, qui veut d’autant plus apparaître comme le chef du non qu’il sait que sa situation sera difficile au sein du PS si le oui l’emporte. Et, surtout, s’il n’a pas d’ici là fait la preuve de son envergure et de ses capacités de rassembleur. Sarkozy, lui non plus, n’oublie pas son propre destin. Certes, il milite pour le oui, mais il tient sur l’Europe un discours essentiellement destiné à lui conférer une stature d’homme d’État. En même temps, il s’occupe minutieusement de son parti, l’UMP, désormais de moins en moins chiraquienne et de plus en plus sarkozienne. Bref, pendant que le référendum occupe le devant de la scène, ceux qui, dans la coulisse, préparent avant tout le scrutin de 2007 ne sont pas les moins actifs.

* Sondage BVA réalisé les 3 et 4 mai auprès d’un échantillon de 956 personnes par la méthode des quotas.

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