RDC-Dan Gertler : quand des montages financiers complexes brouillent les pistes
Des ONG accusent l’entrepreneur israélien d’avoir continué à faire fructifier ses affaires en RDC, en dépit des sanctions américaines qui pèsent sur lui.
Accusé d’avoir engrangé quelque 1,36 milliard de dollars de bénéfices indus en achetant à prix cassé et en revendant des permis extractifs entre 2010 et 2012, Gertler, proche de l’ex-président Joseph Kabila, mis à l’index par Global Witness mais aussi par l’Africa Panel Progress, a été sanctionné en décembre 2017 par le Bureau américain du contrôle des avoirs étrangers (OFAC).
Depuis lors, en application de la loi Global Magnitsky, lui et 33 membres de son entourage sont interdits de séjour aux États-Unis, et ne peuvent plus avoir accès à leurs actifs détenus sous juridiction américaine.
Quant aux personnes physiques ou morales américaines, elles ont également interdiction d’effectuer des transactions avec Dan Gertler et ses sociétés. Théoriquement, l’Israélien et ses associés ne peuvent plus non plus utiliser le dollar américain.
Dans un rapport fouillé publié le 2 juillet 2020, l’ONG Global Witness et la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF), basées respectivement à Londres et à Paris, et s’appuyant sur des investigations et des documents envoyés par des lanceurs d’alerte, détaillent le système de contournement de ces sanctions extrêmement élaboré mis au point par Gertler et ses associés.
Transferts d’actifs
Par l’entremise de son associé congolais Alain Mukonda, Gertler aurait redomicilié en RDC la plupart de ses sociétés détenant des avoirs dans le pays, auparavant essentiellement enregistrées dans des paradis fiscaux. Une douzaine de nouvelles compagnies congolaises, logées sous le holding Gerco, ont ainsi été immatriculées sur la période.
L’homme d’affaire israélien aurait fait transiter au moins 100 millions de dollars entre ses sociétés et ses partenaires, grâce à un réseau de mandataires – congolais, israéliens, français, russes, … – actifs en RDC, mais aussi en Israël et à Hong-Kong, via des comptes ouverts chez Afriland First Bank RDC, filiale du groupe fondé par le banquier camerounais Paul Fokam. Selon les ONG, l’essentiel de ces transactions était libellé en dollars.
Parmi celles mises en avant par Global Witness et PLAAF, 25 millions de dollars auraient été versés à la Gécamines, peu après l’attribution de nouveaux titres miniers de cuivre et cobalt en juin 2018. Propriété de l’État congolais et pilotée depuis 2010 par Albert Yuma Mulimbi, également proche de Joseph Kabila, la Gécamines est accusée d’avoir favorisé les activités de l’homme d’affaires israélien controversé. Par ailleurs, au moins 21 millions de dollars auraient été envoyés par les sociétés de la galaxie Gertler sur des comptes inconnus en dehors de la RDC.
Un rapport jugé « à charge » par Afriland First Bank
En parallèle, le géant suisse des matières premières Glencore, détenteur de deux mines majeures de cuivre et cobalt en RDC, Mutanda Mining et Kamoto Copper Company (KCC), associé avec Gertler depuis 2007, a repris en juin 2018 le paiement – interrompu pendant six mois – des royalties contractuellement dues à ce dernier, mais en euros, et non plus en dollars, du fait des sanctions américaines.
Deux autres grandes sociétés minières internationales actives en RDC, le kazakh Eurasian Resource Group (anciennement ENRC) et le chinois Sicomines auraient aussi, selon Global Witness et PLAAF, continué à faire des affaires avec des sociétés de la galaxie Gertler.
Dans le même temps, l’homme d’affaires a pu rencontrer le nouveau président, Félix Tshisekedi, très vite après son élection. Interrogé en septembre 2019 par le journal Le Monde sur les supposées malversations de l’Israélien et les sanctions américaines, le chef de l’État avait déclaré qu’il n’avait pas d’objection à ce que Dan Gertler poursuive ses affaires en RDC.
Le 1er juillet, soit la veille de la publication du rapport des deux ONG, Afriland First Bank a déposé à Paris une plainte contre PLAAF et Global Witness. Elle juge le rapport à charge, et en récuse les conclusions, notamment sur le fait que la banque aurait manqué à ses devoirs de vigilance contre le blanchiment.
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