Mode d’emploi, pas à pas

La cession d’une entreprise publique est une opération complexe qui nécessite un encadrement réglementaire et fait intervenir, à chaque étape, différents professionnels. Pour mieux comprendre, examen d’un cas concret.

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 5 minutes.

Entre juin 1997 et juin 1998, la société française de conseil Sofreco a fourni, à la demande de la Commission technique de privatisation et des liquidations de la République du Cameroun, l’assistance technique nécessaire à la mise en oeuvre de la privatisation de la société nationale de l’huile de palme (Socapalm : plantations de palmiers à huile, unités d’extraction et de conditionnement). La mission prend fin le 30 juin 2000, date de la signature de la convention de cession de la Socapalm par le gouvernement camerounais. Le capital de l’entreprise publique est alors réparti entre le groupe Palcam Sogepar (70 %), lui-même détenu à 70 % par la société belge Socfinco, des investisseurs minoritaires (17 %), l’État (10 %) et le personnel de la Socapalm (3 %). Dans le détail, l’opération a en réalité suivi un cheminement beaucoup plus long et nécessité, en amont, la création d’un cadre réglementaire précis.

1- Le comité de privatisation
Qu’il se nomme « Presidential Parastatal Sector Reform Commission » en Tanzanie, « Comité de privatisation » au Gabon, « Commission de privatisation » au Burkina Faso ou encore « Commission technique de désengagement de l’État » au Tchad… l’appellation désigne l’organe de supervision qui doit mettre sur pied, sous les auspices des autorités publiques, le programme de privatisation du pays et superviser sa réalisation dans les moindres détails. Avant de se doter d’une telle structure et de lui déléguer la responsabilité des opérations, l’État doit créer un environnement législatif et réglementaire approprié. Ici, c’est le législateur qui intervient en proposant lois et décrets qui tiennent compte des traditions politiques et constitutionnelles du pays considéré. L’objet d’un tel cadre est multiple. Symbolique, tout d’abord, parce qu’il légitime la campagne de privatisation. Démocratique, ensuite, dans la mesure où il doit garantir la transparence des opérations. Technique, enfin, car il établit précisément le détail des procédures à suivre. L’étape législative a été un préalable pour tous les États africains qui se sont engagés sur la voie de la privatisation : l’Algérie (notamment avec l’ordonnance 95-22 du 26 août 1995, modifiée par l’ordonnance 97-12 du 19 mars 1997), le Sénégal (lois 87-23 du 18 août 1987 et 95-05 du 5 janvier 1995), le Gabon (loi 1/96 du 13 février 1996)…

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2- Cabinets d’audit et banque d’affaires
Une fois en place et pour une entreprise donnée, le comité de privatisation émet un premier appel d’offres afin de choisir un cabinet d’audit et une ou plusieurs banques d’affaires. Charge au premier de vérifier la validité des comptes de l’entreprise à privatiser ou encore d’anticiper l’évolution du marché où elle intervient. Quant à la banque, elle doit estimer la valeur de marché de l’entreprise. Comme les cabinets d’audit, les banques jouent également un rôle de conseil auprès du comité et du gouvernement. Un rôle essentiel qui guidera les pouvoirs publics dans le choix de la méthode à retenir : par voie boursière ou hors marché.
Dans le cas de la Socapalm, la société de conseil a réuni une palette de compétences : analyste financier, un agronome spécialiste du palmier à huile, un ingénieur huilier, un juriste international, un juriste camerounais, un expert-comptable. Une équipe qui a permis de fournir les prestations suivantes : diagnostic agronomique des plantations de palmiers ; diagnostic technique et opérationnel des unités de production d’huile ; diagnostic financier et juridique de l’entreprise ; étude du marché de l’huile au Cameroun ; évaluation des actifs et valorisation de l’entreprise ; évaluation des investissements ; élaboration de scénarios de privatisation ; prospection des repreneurs potentiels ; élaboration des dossiers d’appel d’offres et lancement de l’appel d’offres, accompagné d’une campagne de communication dans la presse. Montant de la facture pour le gouvernement camerounais : 329 000 euros.

3- La méthode : en Bourse ou hors marché
Si l’analyse du cabinet d’audit et celle de la banque d’affaires mettent en évidence une situation financière saine de la société à privatiser, un secteur financier dynamique et une valeur de marché de bonne tenue, la voie boursière a toutes les chances d’être adoptée. Dans ce cas, en tenant compte des recommandations des uns et des autres, le gouvernement établit un prix de cession et confie à la banque le soin de placer les actions, en général par offre publique de vente (ou par offre publique d’échange, augmentation de capital…). Si, de l’avis du cabinet d’audit et de la banque d’affaires, l’étroitesse des marchés financiers ou la santé financière de l’entreprise à privatiser hypothèquent sérieusement les chances de réussite d’une opération boursière, on procède à un appel d’offres ou à une vente de gré à gré. Dans le premier cas, l’État met en concurrence les propositions des candidats à la reprise de l’entreprise et retient le mieux disant. Dans le second, les négociations se tiennent avec un seul repreneur potentiel. Cette solution suppose un haut niveau de transparence afin d’exonérer les pouvoirs publics de toute rumeur de favoritisme. Elle est donc soumise à un cadre réglementaire rigoureux. Exemple en Algérie, où la procédure de gré à gré, tenue pour exceptionnelle par le ministère de l’Industrie, « ne peut être mise en oeuvre que dans des cas suivants : transfert de technologie, nécessité d’avoir recours à une gestion spécialisée, caractère infructueux de l’appel d’offres après deux lancements, cession au profit des salariés sur décision du gouvernement ».
La plupart du temps, l’étroitesse des marchés financiers justifie le recours à la privatisation hors marché. Mais il peut y avoir d’autres motifs, plus stratégiques. Comme la volonté d’accélérer la structuration du tissu industriel en favorisant le rapprochement de certaines entreprises, créer des synergies dans les secteurs que le marché n’a pas encore pris en compte ou encore attirer des investisseurs étrangers. Pour ces raisons, la privatisation hors marché caractérise un outil de politique économique plus souple, et peut-être plus pertinent, que la privatisation par voie boursière. La méthode la plus utilisée : l’appel d’offres. Différentes méthodes existent pour céder totalement ou en partie le capital d’une entreprise publique à des intérêts privés. Selon une étude menée en 2004 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), portant sur 1 800 opérations en Afrique subsaharienne, l’introduction en Bourse a été la moins utilisée. Dans 83 % des cas, le désengagement des États s’est fait par vente d’actions, précédée d’appels d’offres. Viennent ensuite les ventes de gré à gré (12 %) et les opérations boursières, qui n’ont concerné que 5 % des privatisations.

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