Tunisie : le cri d’alarme de Chawki Tabib sur la « libanisation » de la vie politique
Le président de l’Instance nationale pour la lutte contre la corruption (Inlucc) Chawki Tabib juge « illégal » le financement de certaines formations qui perçoivent des fonds en provenance de l’étranger.
![Chawki Tabib, directeur de l’Instance nationale de lutte contre la corruption © Nicolas Fauqué / www.imagesdetunisie.com](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2020/07/06/jad20200706-mmo-tunisie-chawki-tabib.jpg)
Chawki Tabib, directeur de l’Instance nationale de lutte contre la corruption © Nicolas Fauqué / www.imagesdetunisie.com
Peut-on faire symbole plus cruel ? Invités à participer à une conférence sur le financement politique le 3 juillet dernier, les différents partis siégeant au Parlement n’ont pas jugé utile d’envoyer, chacun, un représentant. « Révélateur » pour Amine Ghali, directeur du Centre Al-Kawakibi pour la transition démocratique. La conversation fut pourtant riche d’enseignements… et de mises en garde.
« Des parties étrangères mènent une guerre régionale par procuration en finançant certains partis qui les représentent en Tunisie », a accusé Chawki Tabib, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), sans citer explicitement de formations, mais se désolant d’une certaine forme d’impunité dans le traitement de ces sujets.
« Nous nous dirigeons vers la libanisation de la Tunisie », s’est alarmé le patron de l’Inlucc, accusant les partis, dans leur grande majorité, de s’opposer à toute transparence sur leur financement, notamment en période électorale. L’affaire est « grave et menaçante » pour la paix sociale, poursuit Chawki Tabib, jugeant que l’ambiguïté du cadre juridique et le manque de transparence mettent en péril l’un des acquis de la révolution.
Bilan accablant
Depuis 2011, la liberté de former un parti politique est garantie par la loi, laquelle impose aux formations de présenter à la Cour des comptes un rapport annuel détaillé de leurs sources de financement et de leurs dépenses.
La Tunisie, qui ne comptait que huit partis à la chute de Zine El-Abidine Ben Ali, en recense 224 aujourd’hui, selon le décompte indiqué par Mourad Mahjoubi, directeur du département général des associations et des partis politiques au ministère chargé des Droits de l’homme et des Relations avec les instances constitutionnelles. Une vingtaine de ces formations est présente à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Mais seuls trois d’entre eux communiquent régulièrement les données relatives à leurs financements à la Cour des Comptes.
Depuis 2011, seuls douze rapports ont été soumis à la Cour, tous mouvements confondus.
Le bilan est encore plus accablant sur près d’une décennie : depuis 2011, douze rapports ont été soumis à la Cour, tous mouvements confondus, a indiqué Abdessalem Mehdi Grissia, président du tribunal administratif et président de la commission de contrôle des financements des partis politiques.
Bientôt un projet de loi
Déplorant le manque de moyens et de coordination, ce dernier appelle à une révision de la loi, car elle « ne fixe pas de délai pour la présentation de ces rapports annuels et n’impose aucune sanction » en cas de non-respect des obligations légales. Le gouvernement indique de son côté plancher sur un projet de loi prévoyant la digitalisation des procédures. Il sera soumis au Parlement avant la fin de l’année, a assuré Mourad Mahjoubi.
Ce texte impose aux partis de publier leurs états financiers sur une plateforme électronique au plus tard le 30 juin de l’année suivante, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la dissolution du parti. Ce projet de loi, explique Mourad Mahjoubi, devrait aussi garantir des financements annuels à tous les partis politiques.
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