[Tribune] Maroc : les défis de l’État post-Covid

La propagation du Covid-19 a contribué à la consécration de l’État marocain comme seule entité capable de gérer la crise. Mais plusieurs défis se posent désormais. Cette tribune est le résumé d’un papier collaboratif réalisé par le Policy Center for the New South.

Le professeur Said Anajar porte un masque de protection pour éviter la contamination par le Covid-19 alors qu’il examine un patient au Cheikh Hopital de Khalifa à Casablanca, le 11 juin 2020. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Le professeur Said Anajar porte un masque de protection pour éviter la contamination par le Covid-19 alors qu’il examine un patient au Cheikh Hopital de Khalifa à Casablanca, le 11 juin 2020. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Abdellah Saaf
  • Abdellah Saaf

    Senior Fellow au « Policy Center for the New South ». Il est également Professeur à la Faculté de Rabat Mohammed V. Il a été Ministre de l’éducation nationale de 2000 à 2002 et membre de la commission pour la révision de la constitution de 2011.

Publié le 7 juillet 2020 Lecture : 4 minutes.

La crise du Covid-19 aura été tant un point de départ que le révélateur de profonds bouleversements économiques, sociaux, et humains au Maroc et dans le reste du monde. Cette pandémie aura également été à l’origine d’un vent d’incertitudes pour les populations, entraînant ainsi de fortes répercussions sur la santé publique, la quiétude de l’humain et sa sécurité.

En effet, les dimensions sécuritaire et sanitaire, ainsi que les enjeux posés, ont contribué à la consécration de l’État comme seule entité capable de protéger les populations et contrecarrer les impacts négatifs de la crise.

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L’influence des États – qui se caractérisait par un désengagement progressif et un retrait de plusieurs secteurs-clés – se voit ici renforcée par l’idée que seul un État social fort, régulateur et doté de moyens importants, est capable de recevoir et d’amortir les chocs. Néanmoins, plusieurs défis se posent aux institutions des pays.

Décentralisation inachevée

Bien que les populations voient leur relation avec l’État changer afin d’inclure leurs intérêts et besoins, la question de l’impact et du rôle des collectivités territoriales reste en suspens. En effet, il a été donné d’observer une faible implication des élus locaux et des services déconcentrés dans leur traitement de la pandémie. Une décentralisation inachevée et une déconcentration hésitante sont dans une large mesure la cause de ce phénomène. Il faudra ainsi penser un renouvellement des relations entre l’État et les collectivités locales pour parvenir à la formulation de politiques novatrices qui viseraient à réduire les fractures sociales et territoriales.

La force des chocs ressentis au travers de la présente crise – et sa déstabilisation du fonctionnement usuel des sociétés actuelles – permet également de renvoyer à la question de la sécurité et de l’autonomie stratégique. Il est ainsi nécessaire de souligner le besoin d’une autonomie au travers d’une production nationale conséquente qui favoriserait la sécurité sanitaire et alimentaire du pays.

Dès lors, il devient impératif de faire figurer le risque épidémique au rang des priorités de la politique de défense et de sécurité de l’État – au même titre que les risques nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). Ce processus d’adaptation devra s’appuyer sur une nouvelle grammaire de la sécurité incluant la « re-conceptualisation » du continuum défense-sécurité et l’institutionnalisation de la recherche scientifique civile et militaire.

Une coopération entre acteurs étatiques et non-étatiques semble avoir été nécessaire

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De plus, le Maroc ayant adopté très tôt des mesures d’assistance financière dans le but d’aider les travailleurs touchés par l’arrêt d’activité – prescrit par les autorités dans le cadre de ses protocoles sanitaires –, les salariés affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et en arrêt temporaire de travail, ainsi que les populations démunies porteuses de la carte RAMED ont pu percevoir certaines aides.

Néanmoins, la population des migrants irréguliers, travaillant majoritairement dans le secteur informel, s’est vue davantage fragilisée. Une coopération entre acteurs étatiques et non-étatiques semble avoir été nécessaire pour pallier à ces manques et aider ces populations à survivre à l’aspect économique et sanitaire de cette crise.

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Nouvelles relations entre la population et l’État

Le Maroc, comme le reste du monde, est aujourd’hui confronté à une nouvelle étape dans sa gestion de la crise liée au Covid-19 : celle du déconfinement. Les établissements de santé devront alors concilier entre la gestion de patients post-confinement positifs et le flux usuellement enregistré. Cette crise aura également exacerbé l’aspect primordial du rôle du ministère de la Santé, ainsi que sa gestion et ses attributions qui n’en seront que plus observées.

Tout un ensemble de questions se posent aujourd’hui, dont le projet de loi des Finances, les prochains enjeux électoraux de 2021, le profil du ministre chargé du portefeuille de la Santé publique, les questions de sécurité médicale et sanitaire, ou encore la place des Objectifs de développement durable (ODD) en temps d’urgence sanitaire – auxquelles il conviendra de répondre.

Dans le royaume, la pandémie aura permis de renouer les relations entre la population et un État dont l’interventionnisme est d’ordinaire critiqué. Ce dernier a à la fois pu rassurer les Marocains sur les mesures relevant de la Santé, les rasséréner contre l’inquiétude et les assurer contre l’insécurité.

De fait, divers impératifs incombent aux pouvoirs publics, dont ceux de l’efficacité économique, de la compétitivité, du respect de la souveraineté économique, de la garantie de la sécurité humaine, de la prise en charge d’une solidarité sociale, mais également celui de l’inclusion d’entreprises et acteurs sociaux dans la réflexion d’une réponse à la crise et l’ébauche d’une éventuelle relance.

L’intégralité de ce travail de réflexion est accessible sur le site du Policy Center fot the New South

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