La méthode Rice

L’élection du nouveau patron de l’Organisation des États américains (OEA) confirme le changement de ton de l’administration Bush.

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Depuis le 2 mai, c’est le socialiste José Miguel Insulza, le ministre chilien de l’Intérieur, qui dirige l’Organisation des États américains (OEA). Pour la gauche latino-américaine, c’est une victoire historique : depuis la création de l’organisation, en 1948, les candidats soutenus par les États Unis – ce qui, au départ, n’était pas le cas d’Insulza – avaient toujours été élus sans coup férir au secrétariat général. Mais pour l’administration Bush, la défaite n’est pas aussi cuisante qu’elle aurait pu l’être. La secrétaire d’État Condoleezza Rice a en effet eu l’habileté d’adouber le Chilien à la dernière minute, transformant une défaite annoncée en vote presque consensuel. Et coupant, du même coup, l’herbe sous les pieds du président vénézuélien Hugo Chávez, qui avait fait de ce bras de fer diplomatique le symbole d’un affrontement entre la gauche et l’impérialisme yankee.
Insulza a donc été élu par 31 voix, dont celle des États-Unis, 2 abstentions (Bolivie et Pérou) et un vote blanc (Mexique). Mais initialement, Washington avait misé sur deux autres « chevaux ». D’abord, Francisco Flores, l’ancien président du Salvador, un conservateur très apprécié de George W. Bush pour avoir dollarisé sa monnaie et dépêché un contingent militaire en Irak. Très vite, cependant, celui-ci avait été contraint de retirer sa candidature, faute de soutiens suffisants. Les Américains se sont alors rabattus sur Luis Ernesto Derbez, le chef de la diplomatie mexicaine. Mais cinq tours de scrutin n’ont pas suffi à départager les candidats : 17 voix pour le Chilien, autant pour le Mexicain. Le 11 avril, décision a donc été prise de reporter l’élection au 2 mai, à Washington, au siège de l’organisation.
On s’est alors rendu compte que le Brésil, l’Argentine et le Venezuela – les principaux soutiens d’Insulza – étaient parvenus à rallier à leur cause le Paraguay et la République dominicaine. C’est alors que Rice est entrée en jeu. En utilisant un instrument totalement négligé par l’administration Bush depuis quatre ans : la recherche du consensus. Du 18 au 20 avril, elle s’est entretenue avec plusieurs responsables chiliens, notamment Heraldo Muñoz, l’ambassadeur à l’ONU, un ami personnel depuis qu’ils étudièrent ensemble à l’université Stanford, et Ignacio Walker, le ministre des Affaires étrangères. Ces derniers sont parvenus à la convaincre que le soutien vénézuélien à leur candidat ne faisait pas d’eux les otages de Chávez. Lors de la IIIe Conférence de la communauté des démocraties, à Santiago, le 28 avril, le Chili a donc explicitement condamné Cuba et mentionné une possible dérive au Venezuela. En échange de quoi Rice a obtenu le retrait de Derbez. Il ne restait plus aux États-Unis qu’à voter pour Insulza…

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