Giscard à la barre

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Est-il heureux ? Sans doute. Étonné ? À peine. Depuis longtemps, Valéry Giscard d’Estaing ne doute pas un instant de son destin. Alors, en ce 19 mai 1974, le fait de devenir, à 48 ans, l’un des plus jeunes présidents de la République que la France ait connus lui paraît presque dans l’ordre des choses… Pourtant, le score de l’élection est des plus serrés : en métropole, il obtient 50,66 % des voix, contre 49,33 % à son adversaire, François Mitterrand. 426 000 voix d’avance seulement, au terme d’une campagne commencée dans le drame : la mort, le 2 avril, du président Georges Pompidou, vaincu par un cancer du sang. C’est donc dans la précipitation que la joute pour la succession a commencé. Dès le 8 avril, dans sa mairie de Chamalières, en Auvergne, Giscard a annoncé sa candidature, ce qui n’a pas surpris grand monde : depuis des années, chacun sait bien que cet homme-là ne peut que viser la magistrature suprême.

Dès sa naissance, il a bénéficié d’atouts qui, s’ils n’assurent pas automatiquement une carrière exceptionnelle, n’en constituent pas moins un avantage considérable. Dans sa famille, la fortune, accumulée par de grands hommes d’affaires, se conjugue depuis toujours avec le pouvoir : de l’Empire à la République, la lignée a constamment occupé des postes politiques et des fonctions de grands commis de l’État. Élève brillant et résistant reconnu pendant l’occupation allemande, il accumule, après la Libération, les diplômes : Polytechnique et l’École nationale d’administration lui apportent une double formation qui lui permet de se lancer dans ce qui l’intéresse vraiment : la politique et la conquête du pouvoir. Ses premiers pas ne sont pas trop difficiles puisque son grand-père lui cède son siège de député. À 30 ans, il fait son entrée à l’Assemblée nationale, où il est vite remarqué par un homme clé, Antoine Pinay, qui dirigea un gouvernement sous la IVe République et demeure un personnage influent au début de la Ve. Au point que, redevenu ministre, il prend Giscard, 33 ans, comme secrétaire d’État dans le premier cabinet de Michel Debré…
La carrière s’annonce brillante. De fait, trois ans plus tard, Giscard devient ministre des Finances. Il le restera jusqu’en 1966, quand les aléas de la politique l’obligeront à prendre quelque distance.

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Dans cet exil forcé, il gagne une réputation, une « image », une popularité. Et il en profite pour peaufiner un parti bien à lui : les « giscardiens » n’auront de cesse de batailler contre les gaullistes, sans que ces derniers puissent se séparer d’eux puisqu’ils sont numériquement indispensables à la majorité de droite qui gouverne la France. C’est au point qu’en 1969 Giscard retrouve son poste de ministre de l’Économie et des Finances, qu’il occupe encore à la mort de Pompidou.
Pendant la campagne électorale, il promet « le changement dans la continuité » et « le changement sans le risque ». Il souligne la nécessité pour la France de devenir un pays moderne et libéral, une société tolérante et ouverte. Il annonce aussi qu’il gouvernera au centre, aussi loin, explique-t-il, du conservatisme gaulliste que de « l’aventure » que constituerait une victoire de la gauche. Ses méthodes « à l’américaine » surprennent : il fait distribuer des tee-shirts ornés du slogan de la campagne (« Giscard à la barre ») et apparaît sur ses affiches en compagnie d’une de ses filles… Au cours de ses meetings, les électeurs, eux, découvrent que l’homme est moins technocrate, moins distant et moins affecté – bref, plus « humain » – qu’ils ne le croyaient.

Au fil des jours, la campagne s’emballe, une dynamique se crée. Résultat : avec l’aide de Jacques Chirac, qui deviendra après la victoire, son Premier ministre, il ne fait qu’une bouchée, au premier tour, de Jacques Chaban-Delmas, le candidat gaulliste, et devance, au second, son adversaire de gauche. Pour saluer son succès, il lance une formule définitive – ou imprudente : « De ce jour, dit-t-il, date une ère nouvelle. » L’ère nouvelle ne durera qu’un septennat : Giscard ne sera pas réélu en 1981 et devra laisser la place à Mitterrand.

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