Fodé Sylla

L’ancien président de SOS Racisme a fait du chemin : après avoir siégé cinq ans durant au Parlement européen, il a été nommé par Jacques Chirac au Conseil économique et social.

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

La grande gueule des années 1990 vient de passer la quarantaine. Président de SOS Racisme de 1992 à 1999, Fodé Sylla juge que « les combats qui nous ont mobilisés sont toujours d’actualité ». Reste à savoir s’il les conduira de nouveau ou s’il se contentera d’y participer. De loin.
Car l’homme, un solide gaillard de près de 2 mètres et de 120 kg, a changé. Il a quinze ans de plus, bien sûr, mais, surtout, il a gagné en « rondeurs ». Il paraît plus serein, plus diplomate, plus charmeur. Désormais, il en impose moins par ses emportements et son verbe énergique que par son sourire, son entregent, son enthousiasme. Il vient d’achever un mandat de député européen – cinq ans à Bruxelles et à Strasbourg, loin, très loin des banlieues « difficiles » – et a été nommé, l’an dernier, membre du Conseil économique et social, la troisième assemblée de la République française, après le Sénat et l’Assemblée nationale. Bref, l’agitateur est devenu un notable. Costume-cravate de rigueur !

Arrivé en France en 1973, Fodé Sylla vit d’abord dans une ville de province, chez ce père adoptif à qui son géniteur, un policier sénégalais, chef d’une famille de huit enfants, l’a confié. Il raconte qu’à l’âge de 12 ans il écrivait déjà à Amnesty International pour soutenir des prisonniers politiques. En 1984, son emménagement au Bois l’Abbé, une cité déshéritée de Champigny, près de Paris, lui révèle la réalité de la vie des immigrés. Harlem Désir vient de créer SOS Racisme. Deux ans plus tard, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, organise son premier « charter d’immigrés » : 101 Maliens sont rapatriés manu militari à Bamako. L’étudiant Malik Oussekine est matraqué à mort par deux policiers lors d’une manifestation pacifique contre la loi Devaquet, qui durcit les conditions d’admission à l’université. Fodé Sylla devient le porte-parole des étudiants de Créteil, où il est en maîtrise d’histoire, et adhère à SOS Racisme.

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Au sein du mouvement, il prend d’abord en charge la lutte contre l’apartheid, puis la commission des lycéens, puis s’occupe de la province. Il participe à la création des « Maisons des potes » et de l’Organisation des banlieues unies, qui fédère les jeunes originaires de soixante-dix villes. Et puis, en 1992, Fodé Sylla est élu sans surprise président de SOS Racisme. Il le restera pendant trois mandats successifs.
En 1999, Robert Hue lui propose de figurer en cinquième position sur la liste « double parité » que le PCF présente aux élections européennes. Ce curieux assemblage de communistes et de personnalités de la société civile n’obtient que six élus, mais notre Français d’origine sénégalaise est l’un d’eux : le voilà député européen. « Enfin, la politique française donnait une place éligible à une personne issue de l’immigration », se souvient-il.
Des souvenirs, il en a de très bons et de moins bons. Il se souvient avec bonheur de la fin de l’apartheid et de ce voyage officiel qu’il fit en Afrique du Sud, en 1994, avec François Mitterrand, à la rencontre de Nelson Mandela… Mais son séjour au Rwanda, en plein génocide (« je voulais me rendre compte »), et sa mission d’observateur des élections au Togo, en 2003, en tant que parlementaire européen, furent assurément plus pénibles…

La conversation prend un tour mélancolique. Fodé Sylla évoque la mort de son père adoptif, il y a trois ans, et celle de son géniteur, il y a huit mois. Puis il reprend avec fougue : « Le 28 août 2004, en rentrant du Sénégal, j’apprends que Jacques Chirac m’a nommé au Conseil économique et social ! » Il vit cette promotion comme un nouveau défi : « Cette assemblée réunit des intellectuels et des représentants des syndicats et de la société civile. Nous réfléchissons à l’avenir du pays et nous faisons des propositions. » Cela tombe bien : il fourmille d’idées, de la création d’une association de la diaspora noire au vote des immigrés. Mais, pour les faire passer, il lui faudra retrouver sa place dans le paysage médiatique français. Et, surtout, un peu de cette ardeur militante qui fit sa notoriété.

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