[Tribune] La Chine veut le soutien de l’Afrique, pas ses ports !
Il faut oublier les théories sur la colonisation économique. Le moteur de Pékin en Afrique est avant tout politique, assure l’analyste Eric Orlander, de China Africa Project.
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Eric Olander
Rédacteur en chef du « China Africa Project »
Publié le 8 juillet 2020 Lecture : 3 minutes.
Alors que la valeur de l’Afrique pour le monde extérieur a toujours été largement définie en termes économiques – en tant que lieu d’extraction des ressources et en tant que consommateur de marchandises – la Chine est en train de changer cette équation.
Car en fait, l’Afrique n’est pas si importante pour la Chine sur le plan économique : les 54 pays africains réunis représentent moins de 4 % de la balance commerciale mondiale de la Chine, qui s’élève à plus de 4 000 milliards de dollars, et Pékin reste loin derrière les États-Unis, la France et d’autres pays en termes d’IDE.
Je sais que c’est contre-intuitif. 99 % des personnes qui vous parleront des Chinois en Afrique entameront la conversation en évoquant l’appétit de Pékin pour les ressources naturelles du continent ou les ambitions du géant de noyer les États avec des prêts insoutenables.
Les prêts chinois ? Bien sûr, c’est beaucoup d’argent… mais pas vraiment
Il est vrai que la Chine représente environ 70 % de toutes les exportations africaines. Mais la plupart de ces ressources, que ce soit le pétrole, le bois ou les minéraux, peut désormais être obtenu auprès de des dizaines d’autres fournisseurs, le long des Nouvelles routes de la soie.
Prenez le pétrole, par exemple. L’ancien ambassadeur des États-Unis et célèbre spécialiste de la relation Chine-Afrique, David Shinn, a fait remarquer qu’en 2008, 30 % du pétrole importé par la Chine avait été produit en Afrique. En 2018, ce chiffre était tombé à seulement 18 %. Et comme les Chinois deviennent de plus en plus dépendants du pétrole saoudien et irakien, leur dépendance vis-à-vis des fournisseurs africains continuera à diminuer.
Et qu’en est-il de tous ces prêts, dont nous avons parlé de manière si détaillée ces derniers mois ? Bien sûr, c’est beaucoup d’argent… mais pas vraiment. N’oubliez pas que nous parlons d’environ 154 milliards de dollars de prêts en cours en Afrique, octroyés par une économie chinoise d’une valeur d’environ 13 billions de dollars.
Ne vous méprenez pas, ces prêts sont importants pour les Chinois. Mais si les Africains ne peuvent pas ou ne veulent pas les rembourser, cela ne causera pas un tremblement de terre pour la Chine.
Les pays africains sont très à l’aise pour passer outre l’avis des États-Unis quand il s’agit de Huawei
Les nouvelles priorités de la Chine en Afrique sont de plus en plus politiques et non pas économiques. Le fait que 25 pays africains aient signé la déclaration du Conseil des droits de l’homme des Nations unies soutenant la position de la Chine sur l’introduction d’une nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong Kong permet de mieux comprendre les priorités actuelles de Pékin.
Voyez comment la Chine mobilise les pays africains pour soutenir ses politiques controversées au Xinjiang, à Taïwan, au Tibet, dans la mer de Chine méridionale et, maintenant, à Hong Kong.
Ou encore, le fait que les pays africains sont très à l’aise pour passer outre l’avis des États-Unis quand il s’agit de Huawei. Ou encore, le fait que les blocs de vote africains soutiennent les candidats chinois à la direction des agences de l’ONU.
Oubliez les produits de base que les Chinois peuvent pratiquement acheter n’importe où. Pékin s’intéresse de plus en plus aux votes africains qui renforcent sa position mondiale et soutiennent des intérêts stratégiques fondamentaux dans son affrontement de plus en plus acerbe avec les États-Unis, l’Europe et d’autres pays.
La question la plus urgente est maintenant de savoir si les parties prenantes africaines sont pleinement conscientes du fait que leur capital politique vaut en fait bien plus aux yeux des Chinois que toutes les matières premières qu’ils leur ont vendues au cours des deux dernières décennies ?
Une tribune initialement parue en anglais sur le site du China Africa Project.
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