Comment l’USFP prépare son congrès

Le parti est confronté à d’énormes enjeux, les débats de fond sont nombreux. L’événement le plus attendu ? L’élection du premier secrétaire.

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Au siège de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) à Rabat, les réunions de la commission pour la préparation du VIIe congrès du parti vont bon train. Une date « définitive » est désormais fixée : les 10, 11 et 12 juin 2005. Le calme qui règne aussi bien au siège central que dans certaines « cellules » de l’axe Rabat-Casablanca rompt avec tout ce qui caractérisait traditionnellement les préparatifs des congrès de l’USFP : des rendez-vous politiques souvent houleux, parfois déchirants. Le dernier en date, qui remonte à avril 2001, est encore présent dans toutes les mémoires, car il avait abouti à rien de moins qu’à modifier la structure du parti. La Jeunesse du parti avait provoqué une première scission. Un an plus tard, en 2002, une seconde scission, menée par Noubir Amaoui, privait l’USFP de son aile syndicale.
Aujourd’hui, à un mois du congrès, le parti est confronté à d’énormes enjeux : il doit actualiser sa ligne idéologique, se réconcilier avec sa base et son électorat, gérer les ambitions de son « élite », se situer dans le débat sur la réforme constitutionnelle… Mais l’événement le plus attendu est l’élection par le bureau politique du premier secrétaire, le zaïm (« leader » ou « chef », en arabe). Le principal postulant – et jusqu’ici candidat unique – est l’actuel ministre de l’Aménagement, Mohamed el-Yazghi, un apparatchik qui attend ce moment depuis trente ans.
Depuis la naissance de l’USFP en 1975, à partir d’une scission de l’UNFP (Union nationale des forces populaires, fondée, entre autres, par Mehdi Ben Barka en 1959), Mohamed el-Yazghi s’est contenté des « seconds rôles ». Les circonstances politiques en ont décidé ainsi : entre 1975 et 1992, il avait en face de lui Abderrahim Bouabid. Figure emblématique du mouvement national marocain, le défunt compagnon de Ben Barka était un homme politique raffiné et charismatique. À partir de 1992, c’est le futur Premier ministre Abderrahmane Youssoufi, artisan avec Hassan II de « l’alternance » de mars 1998, qui prend les rênes du parti jusqu’en 2003, date de son retrait de la vie politique. Depuis, c’est Yazghi qui assure la transition, en attendant, justement, que le prochain congrès le confirme à la tête de l’USFP.
Son adversaire potentiel le plus redoutable est Abdelouahed Radi, président de la Chambre des représentants. Il vient d’y être – difficilement – réélu, grâce au soutien plus qu’actif de… Mohamed el-Yazghi, qui avait alors ouvertement menacé le Premier ministre Driss Jettou : « Si Radi n’est pas porté à la tête du perchoir, nous allons réviser notre position vis-à-vis de l’actuelle coalition. En d’autres termes, nous allons nous retirer du gouvernement. »
Certains acteurs, et non des moindres, avaient une autre interprétation : « Jettou ne joue probablement pas au poker ! Il aurait pu savoir que l’ultimatum [de Yazghi] n’était que du bluff », écrit Mohamed Lahbabi, un des fondateurs du parti et ancien membre de son bureau politique, dans une lettre publiée par le quotidien Le Matin du Sahara du 25 avril 2005. D’autres estiment que, dans tous les cas, « en agitant cette menace, Yazghi a réussi à « caser » Radi au Parlement et à réhabiliter l’image du zaïm auprès de la base ».
Sauf coup de théâtre, Yazghi semble donc bien parti pour conquérir lors du prochain congrès le secrétariat général. En attendant, il adopte un profil bas. Il laisse le soin à Radi de présider et de diriger les réunions hebdomadaires du bureau politique. Il a avalisé toutes les propositions de la commission de préparation du congrès, y compris celles qui prévoient une plus grande décentralisation du parti.
Selon Mohamed Benyahya, député et membre de cette même commission, les « structures actuelles de l’USFP sont celles d’un parti qui se méfie de la répression. Ce sont, en quelque sorte, des « cellules », des petits groupes ayant une construction pyramidale, jusqu’au bureau politique. Cette conception a eu, dans le passé, des effets positifs puisqu’elle a permis au parti de survivre aux années de plomb. Mais il faut reconnaître qu’elle a fait son temps. La décentralisation accordera davantage d’autonomie aux sections régionales, au détriment des instances dirigeantes. »
L’USFP était, par ailleurs, très attendue sur un autre sujet chaud : la réforme de la Constitution. Les dirigeants du parti se devaient d’apporter des réponses précises. C’est désormais chose faite. Dans sa dernière résolution, le lundi 9 mai, la commission administrative propose une réforme constitutionnelle renforçant les pouvoirs du Premier ministre. Elle suggère également que ce dernier soit associé, par le roi, à la nomination des hauts fonctionnaires. Mais, pour les membres dirigeants du parti, tout cela doit être entrepris en concertation avec le chef de l’État. Pour Driss Lachguer, président du groupe parlementaire et membre du bureau politique, « notre formation est favorable à toute réforme utile de la Constitution, mais celle-ci doit s’effectuer dans le cadre d’un consensus avec la monarchie ». Et concernant le statut du roi, ses prérogatives et le principe de séparation des pouvoirs, Lachguer est catégorique : « Ces sujets ne sont pas à l’ordre du jour au sein de l’USFP. Les pouvoirs du roi au Maroc sont à la fois symboliques et essentiels. »
Selon un politologue, « l’indulgence de l’USFP à cet égard est tactique, et elle s’explique facilement. À un mois du prochain congrès et à deux ans des élections législatives, le parti socialiste marocain préfère éviter tout ce qui pourrait froisser le régime. La réforme de la Constitution reste une revendication élitiste, et la position du parti n’aura pas beaucoup d’incidences électorales. »
Les responsables de l’USFP devront enfin « réfléchir à une nouvelle ligne idéologique du parti », indique Mohamed Benyahya. Pour cela, ils veulent s’inspirer de ce qui se fait en Espagne et en France. « Lors de notre prochain congrès, il y aura deux délégations fortes, celles du PSOE et du PS français [conduite par François Hollande]. Nous avons avec nos camarades européens un débat permanent sur l’actualisation de la social-démocratie », conclut Driss Lachguer.
Aucun fait nouveau n’est attendu d’ici au congrès. Mohamed el-Yazghi a toutes les chances d’être porté à la tête du parti. Mais après les crises et les scissions à répétition qu’a connues l’USFP, le calme actuel en étonne plus d’un.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires