Amnesty contre l’amnistie

Publié le 16 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Le 14 avril, Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) avaient vivement critiqué le projet d’amnistie générale préconisé par le président Abdelaziz Bouteflika et émis le souhait de dépêcher une mission d’évaluation pour se faire une idée plus précise de la démarche du chef de l’État. C’est chose faite depuis le 6 mai. À l’invitation de Me Farouk Ksentini, auteur du rapport sur les disparus (voir J.A.I. n° 2309), une délégation d’Amnesty se trouve à Alger pour une quinzaine de jours. Les conclusions de cette enquête devraient faire l’objet d’une conférence de presse, le 25 mai, animée par le secrétaire général de l’ONG.
Cette mission a débuté son séjour algérois par des rencontres avec des représentants de la société civile qui partagent son hostilité au projet de « Boutef », dont l’association SOS Disparus, que dirige Fatima Yous, et la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), de Me Ali Yahia Abdennour, qui perçoivent le projet d’amnistie générale comme une tentative du pouvoir d’absoudre ses agents présumés responsables de la disparition de plus de 6 000 Algériens entre 1992 et 1998.

La deuxième partie du séjour des délégués d’Amnesty devrait être consacrée à des rencontres avec des représentants du gouvernement, notamment le ministre de l’Intérieur Noureddine Yazid Zerhouni et le ministre de la Justice Tayeb Belaiz. Les représentants d’Amnesty ont également émis le souhait de s’entretenir avec l’ex-président Ahmed Ben Bella, patron de la Commission nationale de l’amnistie générale (CNAG), une structure officieuse, mais qui serait, selon la presse locale, la mieux placée pour esquisser les contours du projet d’amnistie cher à « Boutef ». Pour l’heure, nul n’est en mesure de donner des détails sur les intentions du président, qui avait fait de la réconciliation nationale et, partant, de l’amnistie générale, son cheval de bataille électorale à la présidentielle d’avril 2004. Doit-elle se limiter à la « tragédie nationale », c’est-à-dire aux violences qui ont marqué les années 1990 ? Ou s’étendre aux crimes antérieurs à cette période, dont aux « crimes économiques » qui ont mis le pays à genoux durant les trois dernières décennies ?

la suite après cette publicité

Ces questions qui agitent l’opinion algérienne ne constituent cependant pas les priorités d’Amnesty, qui semble craindre en premier lieu que la solution politique privilégiée par le président Bouteflika bénéficie aux auteurs de crimes au détriment de la vérité et de la justice. Une attitude qui agace une partie de la classe politique, y compris dans les rangs de l’opposition, qui y voit une « intolérable ingérence dans les affaires intérieures ». C’est ainsi qu’une avocate du Conseil de l’ordre affirme que « le peuple algérien n’a nul besoin de tuteur s’il estime qu’il doit pardonner pour retrouver sa sérénité ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires