Wolfowitz, l’arroseur arrosé

Publié le 16 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

A la Banque mondiale comme ailleurs, l’amour rendrait-il sinon aveugle, du moins terriblement imprudent ? Pour la première fois depuis 1945, les membres du conseil d’administration vont devoir se prononcer sur des accusations de népotisme visant le président de l’institution. Il est en effet reproché à Paul Wolfowitz, patron de la Banque depuis le 1er juin 2005, d’avoir fait bénéficier une employée, Shaha Ali Riza, responsable de la communication au département Moyen-Orient/Afrique du Nord, d’une promotion et d’une augmentation salariale indues. Problème : celle-ci se trouve être, dans le « civil », sa compagne
L’affaire a été divulguée le 28 mars par le Washington Post, trop heureux de régler quelques comptes avec l’ancien adjoint de Donald Rumsfeld au Pentagone, chef de file des néoconservateurs et architecte de la guerre en Irak. Une aubaine pour la Staff Association, le syndicat unique des personnels de l’établissement, qui entretient avec le président des relations fort tendues…
Dès son entrée en fonctions, Wolfowitz a informé les organes dirigeants de l’institution de sa liaison avec Shaha Ali Riza. Conformément à l’usage, le comité d’éthique lui a recommandé de procéder à la mutation de cette dernière, afin de prévenir tout éventuel conflit d’intérêts. Wolfowitz a commencé par refuser puis, en septembre 2005, s’est résolu à la mettre en disponibilité. Sa compagne continue de toucher le salaire que lui verse la Banque mondiale, mais est détachée au département d’État américain, où elle a notamment travaillé avec Elizabeth Cheney, l’une des filles du vice-président, qui joue un rôle de premier plan dans la définition de la politique américaine au Moyen-Orient. Apparemment, elle collabore aujourd’hui à la Foundation for the Future, un groupe international de réflexion largement financé par l’administration américaine. Jusque-là, rien de vraiment répréhensible.
Ce qui l’est sans doute davantage est que, juste avant son départ, Shaha Ali Riza a bénéficié d’une promotion aussi rapide que difficilement justifiable. Et d’une – double – augmentation de salaire en proportion : son revenu net annuel est passé de 140 690 dollars à 193 590 dollars – soit davantage que celui de Condoleezza Rice, la secrétaire d’État. « C’était le prix exigé par ses avocats », plaide Wolfowitz.
L’ancien secrétaire adjoint à la Défense (66 ans) a fait la connaissance de sa compagne, de huit ans sa cadette, en 2002, alors qu’elle travaillait depuis cinq ans déjà pour la Banque mondiale. De nationalité britannique, cette dernière est issue d’une famille d’origine syro-libyenne, mais a été élevée en Arabie saoudite et a fait ses études au Royaume-Uni. Féministe convaincue, elle milite depuis toujours pour la démocratisation du monde arabe, conçue comme la condition nécessaire, sinon suffisante, de l’émancipation des femmes. À l’époque Reagan, elle appelait déjà de ses vux le renversement de Saddam Hussein. Sur le plan politique, le couple est donc sur la même longueur d’onde. L’un et l’autre sont par ailleurs de brillants intellectuels bardés de diplômes. Et tous deux divorcés.
Le 9 avril, Wolfowitz a déclaré assumer l’entière responsabilité de décisions prises, dit-il, « dans l’intérêt de la Banque et de celui de l’employée ». Mais ce grand contempteur de la corruption, qui, à plusieurs reprises, a imposé la suspension de l’aide allouée par l’institution à des pays pauvres coupables de ne pas lutter avec assez de conviction contre ce fléau, se retrouve aujourd’hui dans la position de l’arroseur arrosé. Son cas devait être évoqué lors de l’assemblée générale de la Banque, à Washington, les 14 et 15 avril, en présence des ministres des Finances des 185 pays membres, de plus de 5 000 observateurs et d’un bon millier de journalistes venus du monde entier.

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