Vote musulman

Publié le 16 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

A ce jour, les Français n’ont toujours pas compris pourquoi, lorsque les « quartiers difficiles » des autres grandes villes de l’Hexagone ont été incendiés, à l’automne 2005, Marseille est resté calme, comme coupé de ses banlieues. Près de 40 % du million d’habitants de l’agglomération sont venus des pays du Maghreb, en quête d’une vie meilleure. Il n’y a pas d’autre ville de France où il y ait un tel pourcentage d’immigrés. Les spécialistes expliquent que la passion du football a effacé les inégalités sociales et les différences ethniques. Le fait est que la réussite relative de beaucoup d’immigrés les a tenus à l’écart des mouvements de protestation qui ont déferlé sur le pays à l’époque.
Les émeutes des « quartiers difficiles » ont laissé des blessures qui ne sont toujours pas cicatrisées. Il est de plus en plus évident pour les Français qu’il existe un fossé entre leur pays et la communauté musulmane. Particulièrement inquiétant est le fait que des dizaines de milliers de jeunes qui sont descendus dans la rue et ont incendié des voitures étaient nés en France et considérés comme des Français à part entière. Leurs parents, en revanche, qui portent encore les stigmates de l’immigration, sont restés à l’écart des émeutiers.
En trois semaines, les émeutiers ont incendié 10 000 voitures et détruit 300 établissements commerciaux. Des dizaines d’officiers de police ont été blessés. Le fait que les jeunes émeutiers n’aient pas épargné leurs propres écoles et leurs lycées, les garderies et les centres culturels est particulièrement frappant. La violence a tout balayé. Les Français seraient bien avisés d’admettre qu’après deux générations de présence dans l’Hexagone les musulmans vivent toujours dans la pauvreté et à l’écart.

On ne sait pas exactement combien il y a de musulmans en France : les estimations varient entre 4 et 8 millions. On ne sait pas non plus combien d’entre eux sont en règle et combien sont sans papiers. Ce qui est évident, c’est qu’ils peuvent fortement peser sur les résultats des élections – y compris sur la toute prochaine présidentielle.
Les musulmans comme les juifs ont pris conscience que le débat sur l’identité nationale est le thème majeur de la campagne. Un des facteurs qui ont mobilisé l’opinion est la loi sur le port du voile, votée en 2003, qui interdit aux élèves d’afficher des symboles religieux dans les établissements scolaires. Elle vaut pour toutes les religions, mais tout le monde en France sait qu’elle a été adoptée pour bloquer un retour à l’islam. C’est le voile qui a fait peur, pas la calotte, l’étoile de David ou la croix. Les émeutes des banlieues ont pesé en ce sens, et même si elles étaient un cri de détresse et un appel à l’aide, elles soulignent que les musulmans ne considèrent pas la France comme leur patrie.
C’est dans ce contexte que le candidat à l’Élysée qui est en tête dans les sondages, Nicolas Sarkozy, a proposé la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Le rapprochement de ces deux formules a suscité un débat, notamment chez ses partisans juifs, qui ont estimé qu’il rappelait dangereusement l’époque de Vichy, pendant laquelle les juifs ont été mis à rude épreuve.

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De tous les candidats, Sarkozy est celui qui peut être le plus atteint par le vote de protestation des immigrés musulmans. Le 25 octobre 2005, au plus fort des émeutes, il a lancé à ses compatriotes : « Ne vous inquiétez pas, vous serez débarrassé de cette racaille ! » « Racaille », « populace méprisable », dit le dictionnaire. Le mot est fort. Un an et demi plus tard, Sarkozy paie encore la note.
Là-dessus est apparue Ségolène Royal. Elle a revendiqué les voix des musulmans et, si l’on en juge par l’accueil qu’elle reçoit dans les « quartiers difficiles », il est probable que de même que le vote des juifs est acquis à « Sarko », les voix des musulmans peuvent très bien aller à « Ségo ».

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