Cameroun : le gaz peut-il prendre le relais ?
La hausse de la production d’or noir n’éveille qu’un optimisme prudent au Cameroun. En cause : le manque d’intérêt des majors. Mais du côté du gaz, les perspectives sont prometteuses.
Rebond temporaire ou lame de fond ? Les analystes restent prudents face à la hausse de la production pétrolière en 2012 et 2013 (voir courbe). Celle-ci rappelle en effet les chiffres en dents de scie enregistrés au milieu de la dernière décennie. Après le pic de 2003 (35,6 millions de barils), une légère reprise avait succédé à une baisse sensible, avant que le déclin ne s’accentue à partir de 2007, conduisant au plus bas de 2011.
L’embellie actuelle serait attribuable aux 900 millions de dollars (environ 650 millions d’euros) investis ces dix dernières années dans l’exploration et le développement de nouveaux gisements sur les champs du Rio del Rey et de Douala-Kribi-Campo. Ces deux bassins sont les seuls exploités à l’heure actuelle. Ceux du Nord, de Mamfé (proche de la frontière avec le Nigeria) et de Bakassi (une zone récemment rétrocédée par Abuja) sont encore en friche. « En matière de production et de réserves, le Cameroun reste un nain. Pourtant, le potentiel est considérable », se désole Elias Pungong, responsable des hydrocarbures en Afrique chez EY.
Exploration timide
Modeste producteur, le pays tarde en effet à s’imposer dans la cour des grands États pétroliers du continent. En cause, une politique d’exploration timide due au manque d’intérêt des poids lourds du secteur, comme Total, ExxonMobil ou Shell, pour ses gisements. « Or ce sont ces supermajors qui disposent des trois facteurs clés que sont l’argent, la technologie et les ressources humaines pour pousser l’exploration plus loin », souligne Elias Pungong.
En outre, la corruption et la persistance d’un environnement des affaires contraignant enraient les efforts réalisés ces dernières années, notamment la relecture du code pétrolier et la révision du code gazier, ainsi que l’adhésion à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), à laquelle le Cameroun a été déclaré conforme en octobre 2013.
Liquéfaction
Si la filière pétrolière montre des signes d’essoufflement, celle du gaz s’annonce bien plus prometteuse. Cinq permis sont actuellement exploités dans le pays, dont le potentiel total pourrait atteindre 570 milliards de mètres cubes. « Le Cameroun se caractérise par une dispersion des gisements. Pour exploiter au mieux la ressource, il faut donc agréger la production », explique Philippe Miquel, directeur général de GDF Suez LNG Cameroon.
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Pour contourner cette difficulté, le groupe français projette de construire, en partenariat avec la Société nationale des hydrocarbures (SNH, publique), un gazoduc sous-marin de 270 km. Ce pipeline, dont les modalités de financement devraient être déterminées d’ici à 2016, relierait les gisements à la future usine de liquéfaction de GDF Suez LNG Cameroon, en construction à proximité de Kribi et qui doit entrer en activité à la fin de la décennie.
Celle-ci fournira dans un premier temps 3,5 millions de tonnes par an de gaz naturel liquéfié (GNL), destiné à un marché mondial en forte croissance, tout en produisant du gaz de pétrole liquéfié (GPL) pour l’usage local.
Demande locale
Le choix de privilégier l’exportation s’explique par la faible capacité d’absorption du marché camerounais. « Les ressources gazières identifiées se situent autour de 135 milliards de mètres cubes, alors que le pays n’a besoin que de 30 milliards pour couvrir ses besoins actuels », précise Philippe Miquel.
La demande locale émane des usines de Douala et de sa périphérie, alimentées depuis 2012 par le champ gazier de Logbaba-Ndogpassi (banlieue est de la capitale économique), exploité par le britannique Rodeo Development, et de la centrale thermique de Kribi (216 MW), ravitaillée à partir du site de Sanaga Sud (au large de la cité balnéaire) par le franco-britannique Perenco.
Tandis que la récente découverte par EurOil, filiale de la junior britannique Bowleven, d’importantes réserves dans le champ d’Etindé garantit d’ores et déjà l’approvisionnement de la future usine de production d’engrais de Limbé (Ouest).
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