Renaissance

Publié le 16 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

L’irruption de Sidi Ould Cheikh Abdallahi (69 ans) dans la vie politique mauritanienne ressemble à une divine surprise. Élu de la manière la plus transparente qui soit – une première dans cette République des sables -, il incarne l’espoir. Tout le contraire d’un Maaouiya Ould Taya, poussé vers la sortie le 3 août 2005 au terme de l’un des règnes les plus éprouvants qu’ait connu la Mauritanie. Pendant deux décennies, son pouvoir sectaire fut sans partage et finit même par diviser le peuple mauritanien. Sur fond de brimades et de racisme. Malgré leur foi commune en l’islam, le partage des mêmes coutumes et de nombreux mariages mixtes, Négro-Mauritaniens et Beydanes avaient de plus en plus de mal à vivre ensemble.
Mais comme il ne faut jamais désespérer des hommes, l’heure de la réprobation finit par sonner, « au bout du petit matin », comme disait le poète martiniquais Aimé Césaire. Le 3 août 2005, un groupe de militaires patriotes entreprit de redonner à la Mauritanie son identité plurielle. Ce fut presque une renaissance. Même s’il s’est abstenu de mettre sur le tapis ce que beaucoup appellent le « passif humanitaire » de l’ère Ould Taya, la lutte contre la survivance de l’esclavage et la mise en place de mécanismes de rééquilibrage économique, Ely Ould Mohamed Vall, hier bras droit du président déchu et aujourd’hui redresseur de torts, mérite le respect. Comme tous ceux qui l’ont accompagné et soutenu dans cette épreuve : la remise en cause d’un système basé sur la ségrégation, le clientéliste et l’arrivisme – tribal ou autre. Au-delà de la parole donnée, et respectée, Ely et ses amis ont dressé une passerelle menant vers l’unité et la réconciliation nationales.
Dans cette Mauritanie nouvelle, les uns et les autres doivent apprendre à se (re)découvrir. C’est d’ailleurs ce qui m’a décidé à mettre un terme à mes années d’exil. Dix ans : c’est le temps que j’aurai passé hors de mon pays. Dix ans de nuits obscures pendant lesquelles je n’ai pu rendre visite au cimetière de mes ancêtres. Quiconque sait le rapport aux défunts dans les sociétés africaines comprendra la peine que ne peut manquer de provoquer une telle privation. Pour voir mes parents, j’ai eu recours au vieux précepte de la sagesse peule : « moyto ndoga », « faufile-toi et prends la fuite ». Pourtant, je n’ai ni sang sur les mains ni paroles de haine à la bouche. Ô certes, comme des milliers de Mauritaniens indésirables chez eux, il m’est arrivé de hausser le ton et d’affirmer contre toute évidence que « ceci n’est pas mon peuple ». Cette colère, qui aurait dû être perçue comme une manifestation d’amour contrarié, sera sanctionnée par une longue errance à travers la France et d’autres pays.
Aujourd’hui plus qu’hier, j’ai foi en ma patrie. Même si demain reste un jour inconnu. Les plaies du pays blessé sont encore douloureuses. Difficile d’oublier les nuits obscures. Difficile d’exiger des victimes ou de leurs proches qu’ils pardonnent : leurs âmes se sont habituées à la haine. Pourtant, le sursaut national est à ce prix. Oui, il faut pardonner, il faut renouer le dialogue. Aux côtés de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qui, dès sa première déclaration, a promis d’être le président de tous les Mauritaniens. Et demandé à tous les exilés de regagner leur pays. On ne remplit pas un puits en sifflotant loin du bord. Pour avoir de l’eau, il faut retrousser ses manches, mettre toutes ses forces dans la pioche qui fera jaillir la goutte d’espérance. C’est à cette condition que plus rien ne sera comme avant. Et que la Mauritanie renaîtra.

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